L’administration américaine envisage de fermer à Hawaï l’observatoire de Mauna Loa, berceau de la surveillance du climat où sont mesurées depuis 1958 les concentrations de CO2 dans l’atmosphère. Les scientifiques dénoncent le sabotage de l’indice historique du changement climatique.
Accrochée à près de 3 400 mètres d’altitude sur le flanc nord du volcan éponyme, cette station scientifique enregistre depuis 1958 la quantité de gaz à effet de serre qui réchauffe la planète. C’est dans cet observatoire des sciences du climat qu’est mesurée depuis le plus longtemps sur Terre la teneur en CO2 de l’atmosphère. (...)
En 2007, un article paru dans Nature soulignait que la courbe de Keeling ne représente rien de moins qu’une des plus grandes « réalisations de la science du XXe siècle ». La prestigieuse revue scientifique rappelait que « la courbe du Mauna Loa, simple et sans ambiguïté, s’est imposée aux yeux de l’humanité, changeant notre vision du monde. […] Sans cette longue expérience de recherche, la prise de conscience du dérèglement climatique aurait été plus lente. »
Aujourd’hui, un site internet et un compte X sont même dédiés à la fameuse courbe. (...)
Un indice climatique primordial
« Avant que Keeling ne mesure le CO2, on ne savait pas bien à quel point ce gaz était libéré dans l’atmosphère et absorbé par les océans ou la végétation, avance à Mediapart Aglaé Jézéquel, chercheuse au Laboratoire de météorologie dynamique. Nous savons aujourd’hui grâce à ses travaux que plus de la moitié du CO2 émis va directement dans l’atmosphère. D’ailleurs, la courbe en zigzag montre les variabilités de capture du carbone par la végétation, en fonction des saisons. »
À partir des ces premiers jeux de données de Keeling, « tout un pan de la recherche scientifique s’est construit », abonde Gilles Ramstein, avec notamment la création des modélisations informatiques du système climatique.
Aujourd’hui, la Noaa gère à travers une cinquantaine de pays un réseau international de 216 stations qui mesurent les concentrations des différents gaz à effets de serre, des particules d’aérosols ou encore d’ozone pour comprendre les causes et les conséquences du réchauffement planétaire.
Ralph Keeling, fils de Charles Keeling et professeur de géochimie à l’institut d’océanographie Scripps, coordonne les mesures pour douze de ses observatoires mondiaux. (...)
ces données enregistrées sont essentielles pour vérifier si on observe à l’échelle mondiale des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Or, en 2024, année la plus chaude jamais mesurée sur Terre, « Mauna Loa a enregistré le taux de croissance le plus rapide de concentration atmosphérique de CO2, et ce depuis plus de soixante-cinq ans de collecte de données », indique Ralph Keeling.
En somme, en fermant Mauna Loa, Trump s’assure ainsi de casser le thermomètre le plus fiable du réchauffement global en cours.