Un boîtier espion a été découvert dimanche sur un ferry italien ayant fait escale à Sète. Une possible nouvelle ingérence russe, qui préoccupe au plus au point le ministère de l’Intérieur.
Des juges d’instruction parisiens sont chargés depuis dimanche d’enquêter sur ce dossier. Une information judiciaire a été ouverte pour "atteinte à un système de traitement automatisé de données en bande organisée dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère" et "participation à une association de malfaiteurs".
L’enquête est menée par la DGSI (Direction générale de la Sécurité intérieure), spécialisée dans le contre-espionnage.
L’affaire débute par un renseignement communiqué par les autorités italiennes : selon elles, le système informatique du navire "Fantastic", devant faire escale à Sète, est "susceptible d’avoir été infecté par un dispositif malveillant permettant d’en prendre le contrôle ("RAT" - remote access trojan)", explique le parquet de Paris. (...)
À l’origine du signalement : la compagnie maritime GNV, propriétaire du "Fantastic", qui a "identifié et neutralisé une tentative d’intrusion, sans conséquence sur les systèmes informatiques de l’entreprise, efficacement protégés", a expliqué GNV dans une déclaration transmise à l’AFP.
Un suspect placé en détention provisoire
Deux membres de l’équipage, un Letton et un Bulgare, identifiés par les autorités italiennes, sont interpellés à Sète et placés en garde à vue le 12 décembre. Des perquisitions sont parallèlement "menées en urgence en Lettonie, avec le soutien très actif d’Eurojust (l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, NDLR) et des autorités lettones", a détaillé le parquet de Paris.
Le suspect letton a depuis été mis en examen et placé en détention provisoire tandis que le Bulgare a été remis en liberté sans charge retenue contre lui, selon la même source.
Pour le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez, il s’agit d’une "affaire très grave" : "les enquêteurs vont manifestement sur la piste de l’ingérence (...), une ingérence étrangère". (...)
Des étoiles de David aux têtes de cochon déposées devant des mosquées, en passant par les cercueils placés au pied de la tour Eiffel, le spectre de l’ingérence étrangère plane sur une dizaine de dossiers gérés depuis octobre 2023 par le parquet de Paris.
Les relations entre Paris et Moscou sont au plus bas depuis l’assaut russe contre l’Ukraine lancé en février 2022 et les sanctions ayant suivi. La France se voit notamment reprocher par la Russie son soutien militaire à Kiev. (...)
Dans ces différents dossiers, des exécutants originaires de pays d’Europe de l’Est, notamment des Bulgares, Moldaves et Serbes, ont été interpellés.
Mais, pour l’avocat du Letton, Me Thibault Bailly, "la thèse de l’ingérence russe évoquée dans la presse paraît superfétatoire". (...)
La prise de contrôle à distance d’un navire fait partie des scénarios les plus redoutés par les acteurs du secteur maritime,"puisqu’il y a une conséquence physique potentiellement grave", si le bateau était projeté contre un obstacle, explique à l’AFP l’expert Christian Cévaër.
Il évoque une très probable "volonté malveillante de destruction, avec l’impact d’image, pour créer une déstabilisation de niveau politique et un impact économique".
Dans un premier temps immobilisé et placé sous scellé, le "Fantastic" a fait l’objet d’investigations menées en urgence par la DGSI.
Une fois les constatations techniques réalisées et tout danger écarté pour les personnes à bord, le navire, qui peut embarquer un peu plus de 2 000 passagers pour des croisières en Méditerranée, a pu reprendre la mer. (...)