
Le projet de programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle torpillé par l’extrême droite est sur la sellette depuis la censure du gouvernement. Le texte pourrait pourtant être discuté le 12 décembre, en Conseil supérieur de l’éducation.
Après les assauts d’associations proches de l’extrême droite, la censure du gouvernement. Décidément, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle fait face à des vents contraires. Ce énième rebondissement vient suspendre un projet de programme qui, à en croire l’entourage d’Anne Genetet, pourrait être discuté le 12 décembre – comme prévu initialement – par le Conseil supérieur de l’éducation. Reste à savoir si la version définitive sera ensuite validée. Et si le flou qui entoure ces séances sera enfin levé. Car le texte auquel nous avons eu accès a le mérite d’être clair. Il fixe un cap adapté à chaque âge, étape par étape. À commencer par l’école maternelle, où il s’agit moins de sexualité que de découvrir son corps, de nommer ses émotions et celles des autres, de savoir se conduire avec empathie, d’apprendre à refuser, d’envisager l’égalité entre filles et garçons, d’identifier les adultes de confiance auxquels confier un secret…
À noter que se sont glissées, dans le projet, des propositions d’ateliers autour du langage chez les petits, invités à réfléchir par exemple à la notion d’intimité : « Qui peut ou ne doit pas toucher quelle partie du corps ? Dans quelles circonstances et dans quels lieux peut-on ou ne doit-on pas se mettre nu ? Qui peut ou ne doit pas me voir nu ? » (...)
la nouveauté de ce programme, c’est surtout qu’il s’adosse à toutes les disciplines – et pas seulement aux sciences du vivant qui viennent en premier à l’esprit. Apprendre à respecter les autres en EPS, résoudre des problèmes en maths sur les discriminations, étudier le combat pour l’égalité des droits entre hommes et femmes en histoire, aborder l’art de vivre ensemble en langues vivantes… Tout le monde est appelé à mettre la main à la pâte. (...)
De quoi surmonter les réticences des enseignants qui hésitent encore souvent à se lancer, faute de se sentir légitimes à aborder un tel sujet ? Une chose est sûre, « faire des liens avec des points du programme dans d’autres matières que les SVT peut permettre à davantage de collègues de se lancer », estime Arnaud Holzman, professeur de SVT à Nancy et formateur en éducation à la sexualité. (...)
Parmi les autres freins susceptibles d’inhiber les équipes, tous les fantasmes agités par le collectif zemmouriste Parents vigilants ou l’association SOS Éducation. « Au départ, le contenu du programme avait été pensé pour détricoter certaines idées reçues entretenues par l’extrême droite », soutient Jérémy Destenave, professeur de SVT dans un collège de Dordogne. Une opération déminage qui se lit dans la formulation des enjeux, auxquels il est difficile de ne pas souscrire : « Comment vivre et grandir, sereinement, avec son corps ? Comment construire avec les autres des relations respectueuses et s’y épanouir ? Comment trouver sa place dans la société, y devenir une personne libre et responsable ? » Sauf que les détracteurs de l’éducation à la sexualité restent arc-boutés sur la critique d’une prétendue « théorie du genre », dans leur ligne de mire depuis les « ABCD de l’égalité » lancés en 2013 pour lutter contre les stéréotypes sexistes à l’école. (...)
À ceci près qu’aujourd’hui, ces lobbies conservateurs trouvent des relais jusque dans les plus hautes sphères de l’Éducation nationale. (...)
Autant dire que ce programme, aussi clair soit-il, aurait un mal fou à contrer les fake news et procès d’intention en tous genres.
D’autant plus qu’en l’absence de dotation horaire dédiée à cet enseignement, l’obligation inscrite dans le code de l’éducation risquerait bien, une fois de plus, de rester théorique. (...)