
Comme chaque mois, des juges du tribunal de Bobigny ne voient que des fonctionnaires de police se présenter à la barre. Début mai, StreetPress a assisté au procès de trois agents, dont l’un était « dealer la nuit ». Récit.
L’ambiance de la 14e chambre du tribunal de Bobigny (93) sonne comme une habitude. Chaque premier jeudi du mois, c’est le jour du tribunal des policiers. Un tribunal qui serait « flicophage », comme l’a déjà dit un avocat de la défense, « où on mange du flic ». Loin du mythe, les bancs derrière Luidgi B., le premier agent à la barre, sont remplis par ses collègues venus soutenir celui qui est mis en cause pour violences volontaires sur mineur.
Un coup de matraque télescopique dans les dents
Le 6 février 2023, à Aulnay-sous-Bois, le mineur Naïm reçoit un coup de matraque télescopique dans les dents par Luidgi B., sur fond d’interpellation liée au trafic de drogue. L’enfant de 17 ans perd trois dents, d’autres sont fortement endommagées et il reçoit une incapacité totale de travail « de 10 à 14 jours », résume la juge. Naïm, actuellement en détention provisoire, n’est pas à l’audience. C’est sa mère qui le représente. (...)
« Il faut qu’ils reconnaissent, ce n’est plus possible, ça ne s’arrêtera jamais », souffle la mère de Naïm, la voix tremblante, à propos des violences policières. (...)
Le jeune agent est lui habillé d’un pull vert trop serré et se tient droit à la barre, l’air plutôt assuré. (...)
Vu l’absence de Naïm, le tribunal renvoie l’affaire au 5 décembre prochain. « C’est difficile pour lui. Depuis qu’il s’est fait frapper, il n’est pas bien », confie la mère de Naïm. La présidente rétorque :
« S’il a le courage de vendre de la drogue, il aura le courage de venir au tribunal. »
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Au tour du gardien de la paix B. de passer devant les juges. Enfin, l’ex-policier B. Celui qui était fonctionnaire de la Police aux frontières (Paf) depuis 2016 a été révoqué des forces de l’ordre le 6 mars 2023. Placé à l’aéroport de Roissy, l’homme de 31 ans se sentait « très isolé » selon son avocate. L’agent B. est alors « policier le jour, fêtard, toxicomane et dealer, la nuit » et a « perdu pied » à cause de ses addictions. Il a déjà été condamné à dix mois d’emprisonnement sous bracelet électronique pour trafic et usage de stupéfiants. Il est désormais poursuivi pour « vol et escroquerie » sans être présent à l’audience.
En janvier 2023, alors qu’il est encore à la Paf, B. est interpellé en pleine vente de stupéfiants. Lors de sa garde à vue, ses anciens collègues retrouvent sur lui trois cartes bancaires, dont une déclarée volée par une touriste à l’aéroport de Roissy, qui a constaté des prélèvements frauduleux. (...)