
Plus de 400 personnes ont convergé jeudi 28 août pour esquisser les premiers contours de la journée de mobilisation du 10 septembre dans la capitale. Une assemblée générale dense, protéiforme et déterminée à tirer les leçons des mobilisations précédentes.
« Ce qui ressort de cette assemblée générale, c’est énormément de rage, décrypte Adrien, on sent que ça va être un gros mouvement, qu’on va être énormément dans la rue, sur les piquets de grève. » Autour de ce militant autonome, plus de 500 personnes sont massées en cercle sur la pelouse du parc de la Villette ce 28 août pour débattre de la mobilisation du 10 septembre et espérer « tout bloquer ».
L’ancienne fanzone des Jeux olympiques (JO) voit s’enchaîner les bilans des dizaines d’assemblées générales (AG) tenues les jours précédents à Paris, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Ivry (Val-de-Marne), Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) ou Évry (Essonne). Étudiant·es, cheminot·es, professeurs, personnel hospitalier, mères isolées, militant·es LGBTQI+ se relaient au centre. Né en réponse au budget présenté par François Bayrou, le mouvement aimante de nombreuses revendications et causes à défendre.
Un enseignant égrène les coupes massives dans l’Éducation. Une assistante sociale dans un hôpital parisien décrit ensuite son service de cancérologie privé de plusieurs lits « faute d’embauches » : « On court après les thermomètres, mais nos chefs font la chasse aux gens qui portent des couvre-chefs, surtout quand ils ont des noms à consonance immigrée ! » (...)
L’assistance s’échauffe vite face aux prises de parole intempestives d’un petit groupe de « gilets jaunes » de la première heure. L’un d’entre eux les met en garde : « Ça fait six ans qu’on lutte contre ce système, qu’il y a des blessés. Il va y avoir de la répression, faut qu’on se tienne prêts ! Là, je vous ai tous vus, si le 10 septembre, il y en a un qui manque à l’appel... »
Le cercle rit, l’applaudit, commence à entonner l’hymne du mouvement né en 2018 : « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là. » Une femme coiffée d’un hidjab appelle ses camarades à ne pas « leur parler mal ». « Ils viennent de quelque part, nous aussi. »
« Par contre, si vous voulez qu’on soit là, forts, comme on l’est sur la Palestine, faut venir avec nous contre le génocide ! », reprend-elle, sous des applaudissements nourris. « C’est brouillon, mais ça fait plaisir de voir autant de monde », sourit Tom, un étudiant basé à Évry, venu là « pour voir comment c’était ».
« Comme Bayrou ne va pas rester, il faut éviter de le mettre sur nos tracts, plutôt privilégier la lutte contre la précarité, la solidarité, la loi Duplomb ou les retraites. »
Un militant parisien (...)
Des débats surgissent sur les contours des alliances à nouer. « Les racistes, les LGBTphobes, on peut pas les accepter », pointe un orateur, qui réclame que le mouvement « s’inscrive dans une certaine direction ». Une femme réplique : « Mais il faut leur parler ! » Lui, poursuit : « Politiquement, il n’y a pas de raison de laisser les personnes musulmanes, racisées, juives, se débrouiller seules s’il y a des pancartes contre elles. Ce mouvement s’inscrit dans un contexte politique de fascisation forte, dont le RN [Rassemblement national – ndlr] attend de récolter les gains. » Le militant enjoint à « l’ensemble du mouvement de prendre la responsabilité de virer les fachos, pas qu’aux antifas ».
Sasha Yaropolskaya, 28 ans, militante au sein du collectif féministe révolutionnaire Du Pain et des Roses et chez Révolution permanente, rappelle les « remarques sexistes et homophobes » entendues dans l’assemblée du soir et une « nécessité à défendre les droits à intervenir, à exister » des personnes minorisées.
Adrien acquiesce : « Accepter la parole facho, ça en exclut d’autres, et c’est la seule chose qu’on ne peut pas accepter : les comportements excluants. L’extrême droite n’est absolument pas la bienvenue et on est assez à gauche pour s’organiser contre ça. »
Des idées d’actions encore embryonnaires (...)
D’autres habitantes de la Seine-Saint-Denis s’avancent, masque chirurgical sur le visage : « Il faut tirer des leçons de la réforme des retraites, ne pas attendre les grosses fédérations syndicales pour agir. On va être pris en tenaille entre le calendrier électoral et une possibilité de dissolution. Il y a un truc qui a marché lors de la réforme des retraites, des grèves bloquantes dans des secteurs paralysants : les raffineurs, les éboueurs. »
Apprendre de ses erreurs
Les leçons des luttes récentes s’égrènent dans plusieurs interventions, comme si les mouvements sociaux enchaînés depuis 2019 servaient de répétition générale à celle qui s’annonce. « On était en grève reconductible en 2023 et il y avait des journées travaillées dans les autres secteurs. On a vu que ça suffisait pas », regrette ainsi un cheminot syndiqué chez Sud-Rail. (...)
« Pas mal de gens ont déjà été dans des mouvements auparavant, fait des grèves et tiré des leçons pour aller plus loin cette fois-ci, décrit Sasha Yaropolskaya. Il faudra que ce mouvement se massifie, contrairement à la réforme des retraites où la mobilisation était large mais les AG peu remplies. »
« Les personnes présentes ont compris les leçons des “gilets jaunes”, ils ont été applaudis après leur prise de parole. Ici, on a compris les écueils de la gauche qui n’était pas allée les voir. Et c’est aussi les leçons des retraites, tout le monde pense convergence des luttes », espère Adrien, le militant autonome.
Et aux yeux de certain·es, les élections législatives anticipées de 2024 ont peut-être amorcé quelque chose (...)