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France24
Les "Active clubs" : de "fight clubs" d’extrême droite à milices néonazies prêtes à l’action ?
#extremedroite #neonazis #ActiveClubs
Article mis en ligne le 19 novembre 2025

En Suède, quatre néonazis liés à la mouvance des "Active Clubs" ont été condamnés mardi à des peines de prison pour avoir tabassé des immigrés. Souvent présentés comme des "fights clubs" pour fascistes, ces clubs se sont développés ces dernières années dans plusieurs pays. Au-delà du MMA pratiqué, cette forme d’organisation discrète, radicale et violente est devenue populaire à l’extrême droite.

Quatre néonazis ont été condamnés à de la prison en Suède, mardi 18 novembre. Âgés de 20 à 23 ans, ces Suédois ont été reconnus coupables de plusieurs crimes commis à Stockholm le 27 août dernier, notamment d’assaut aggravé contre un individu d’origine étrangère. Trois d’entre eux ont écopé de trois ans et six mois de prison, et le quatrième d’une peine de trois ans derrière les barreaux.

Ce n’est pas la première fois que des militants d’extrême droite sont traînés devant les tribunaux en Suède pour des crimes de haine raciale. Mais ces quatre gros bras appartiennent à un groupe local lié à une mouvance néonazie encore inconnue il y a quelques années et considérée comme l’un des réseaux suprémacistes qui gagnent le plus en popularité à l’échelle mondiale : les "Active Clubs". (...)

"Il existe plus de 100 ’Active Clubs’ dans 22 pays", précise le Counter Extremism Project, un réseau international d’expertise sur les extrémismes politiques.

Une montée en puissance d’autant plus spectaculaire que ces soi-disant "club de fitness" pour amoureux des croix gammées n’existaient pas il y a encore cinq ans.

Certes, "certains de ces clubs ne comptent pas plus d’une poignée de membres, donc il ne faut pas non plus surestimer le phénomène", nuance Paul Jackson, historien de l’extrémisme à l’université de Northampton. Mais "dans les galaxies des nouveaux réseaux d’extrême droite, le phénomène des ’Active Clubs’ reste l’un des plus dynamiques", assure Joshua Farrell-Molloy, spécialiste des idéologies radicales à l’université de Malmö qui travaille sur l’émergence de ces clubs à l’échelle internationale. (...)

Cette popularité, et la propension à la violence de certains membres de ces groupes, a poussé plusieurs services de renseignement, dont ceux du Canada et de l’Australie, à les surveiller, a découvert The Guardian en octobre 2025.

À l’origine, "les Active Clubs ont été fondés par le militant néonazi américain Robert Rundo en réaction aux arrestations de membres de son ancien groupe ‘Rise Above Movement’", explique Alexander Ritzmann, spécialiste de ces mouvements pour le Counter Extremism Project.

Le "Rise Above Movement" se présentait à la fin des années 2010 comme un club de MMA (mixed martial arts) pour l’Alt-right. Robert Rundo voulait en faire la vitrine de "l’esprit guerrier du mâle blanc". Mais ces amateurs de sports de combat, nostalgiques du IIIᵉ Reich, se sont aussi illustrés par des actions violentes qui ont amené les autorités à intervenir.
Être néonazi sans en avoir l’air

Pour Robert Rundo, "il fallait reconstruire un réseau, mais cette fois-ci en faisant attention à ce qu’il ne semble pas dangereux aux yeux des autorités", précise Alexander Ritzmann.

C’est devenu une formule gagnante pour les extrémistes dans plusieurs pays. Les "Active Clubs" apparaissent quand l’État se décide à sévir contre les mouvements les plus violents. Ainsi en France, le premier club a été fondé un peu moins d’un an après la dissolution du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire en 2021. (...)

Pour avoir l’air le plus innocent possible, ces nouveaux "Active Clubs" sont présentés comme "une sorte de fraternité dans laquelle les membres se retrouvent autour des valeurs des sports de combat afin d’incarner et de projeter une certaine idée de la masculinité", explique Joshua Farrell-Molloy, spécialiste des sous-cultures extrémistes sur Internet à l’université de Malmö qui travaille sur l’émergence de ces clubs à l’échelle internationale. (...)

Pour attirer les nouvelles recrues, "l’accent est d’abord mis sur des questions traditionnelles, comme l’immigration ou l’héritage chrétien [de la civilisation occidentale, NLDR]", insiste Alexander Ritzmann.

Ce sont aussi des organisations qui vont tout faire pour appâter les plus jeunes. (...)

"Le suprémacisme blanc 3.0"

L’idée est de "radicaliser sans en avoir l’air", expliquent deux chercheurs au Canada – Frédérick Nadeau et Tristan Boursier – qui ont analysé plus de 1000 publications d’"Active Clubs" sur Telegram.

C’est ce que Robert Rundo appelle le "modèle 3.0" du suprémacisme blanc. "La version 1.0 correspond à l’époque des skinheads et de la violence de rue dans les années 1980-1990, la 2.0 englobe l’Alt-right et les ’guerriers du clavier’ très actifs en ligne, tandis que le modèle 3.0 qu’il promeut est un retour à l’action physique, tout en ayant l’air raisonnable", détaille Alexander Ritzmann.

À cet égard, les "Active Clubs" illustrent "un certain ras-le-bol des suprémacistes blancs avec le militantisme en ligne, jugé trop stérile, tout en reconnaissant que la présence sur Internet est importante pour s’organiser au niveau international", explique Paul Jackson. Ce qui amène certains experts à affirmer que "les ’Active Clubs’ sont la nouvelle et dangereuse frontière du suprémacisme blanc", affirme Art Jipson, sociologue à l’université de Dayton aux États-Unis.

En effet, "la comparaison avec ’fight club’ est trompeuse et ces groupes sont bien plus que des clubs de combat de MMA d’extrême droite comme il peut y en avoir d’autres aux États-Unis et en Europe", assure Alexander Ritzmann. D’abord, ces clubs "cherchent à façonner physiquement et mentalement ’l’homme nouveau’ de l’extrême droite", assure Joshua Farrell-Molloy, spécialiste des idéologies radicales . (...)

Ils ont un concept central qui est celui de ’voyou cultivé’ qui doit être capable de se battre et de citer Nietzsche", explique ce dernier.
"Devenir une milice d’extrême droite capable d’être mobilisée rapidement"

Même l’aspect sport de combat est en partie une couverture pour Alexander Ritzmann, spécialiste de ces mouvements pour le Counter Extremism Project. "Ils postent certes des photos d’entraînement, mais ils font aussi des exercices de tir, apprennent les bases des premiers soins et s’exercent à évacuer des blessés lors de fusillades. Ce n’est pas ce que font généralement les clubs d’arts martiaux", explique-t-il.

Pour cet expert, les "Active Clubs" ont un "but caché qui est de devenir une milice d’extrême droite capable d’être mobilisée rapidement". (...)