
Les compagnies aériennes sont revenues sur l’obligation de porter le masque dans les avions. Les centres de prévention et de contrôle des maladies ont annoncé que la plupart des Américaines n’ont plus besoin d’appliquer la distanciation sociale et le confinement. Les écoles et les employeuses cessent de proposer des options de travail à distance et d’autres aménagements pour les étudiantes et les travailleuses. Dans différents États américains, les possibilités de vote par correspondance sont abrogées.
De ce fait, de nombreuses malades chroniques ou handicapées américaines, dont le nombre a augmenté avec les cas de Covid long, se sentent délaissées, leur exclusion apparaissant comme une conséquence acceptable du retour à la normale.
Nous avons interrogé 11 activistes pour les droits des personnes handicapées sur les expériences qu’elles ont vécues durant la pandémie et sur le futur de la lutte pour les droits et l’inclusion des personnes handicapées. Leurs réponses ont été condensées et légèrement éditées par souci de clarté.
1. Comment penses-tu que la pandémie a changé la façon dont la société perçoit les personnes vivant avec des handicaps ou des maladies chroniques ?
Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, coordinateur·rice militant·e et auteur·e, entre autres de Care Work : Dreaming Disability Justice[1] : La pandémie a rendu le monde “crip”[2] et grâce à ça il y a eu une grande prise de conscience sur les conditions de vie des personnes handicapées et malades chroniques. Brutalement, et souvent pour la première fois, les gens ont dû se confronter à la réalité du quotidien pour une personne handicapée : devoir s’isoler pour assurer sa sécurité, socialiser dans cet état d’isolation, s’entraider, savoir reconnaître quand on est malade ou pas, télétravailler ou, si on ne le pouvait pas, faire en sorte de se protéger contre le virus.
En tant que personne immunodéprimée à haut risque, j’ai vu tout à coup apparaître des options crip que je réclamais depuis des années. Par exemple, des heures réservées pour les personnes âgées, à risque ou immunodéprimées ont été proposées à l’ouverture de mon supermarché habituel.
J’ai vu des personnes valides s’éduquer sur le handicap et le validisme et être reconnaissantes envers le militantisme et les ressources handies. Mais je pense que beaucoup de personnes n’ont pas non plus caché qu’elles voyaient les personnes handicapées comme des dommages collatéraux, et que si nous devions mourir pour que Walmart et Coachella restent ouverts, ainsi soit-il.
Molly Burke, autrice digitale aveugle, militante et influenceuse : on a entendu beaucoup de gens dire “Je n’ai pas besoin de me faire vacciner parce que je ne suis pas vulnérable”. Cela dépréciee la valeur de la vie des personnes vulnérables, qui sont souvent handicapées ou malades chroniques… On avait l’impression que tout le monde se sentait concerné par la première vague de Covid, mais ce n’est plus ce qu’on voit dernièrement.
On dirait que notre société dévalue nos contributions mais qu’elle n’a ensuite aucun problème à nous utiliser comme “inspiration porn” quand ça la conforte ou que ça la fait se sentir mieux.
Isabel Mavrides-Calderón, 18 ans, militante et coordinatrice de mouvement pour les droits des personnes handicapées :
La pandémie a mis en lumière le validisme présent dans tous les aspects de la société. Il n’y a jamais eu d’infrastructure adaptée mise en place pour soutenir les personnes handicapées. (...)