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Regards
21 juillet : Marche pour Adama Traoré : « Faire condamner des policiers, c’est quasiment impossible en France »
Article mis en ligne le 20 juillet 2018

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré perdait la vie après une interpellation des gendarmes de Persan. Deux ans plus tard, ses proches organisent une marche le 21 juillet. Youcef Brakni, membre du Comité Adama, fait le point sur cette affaire.

Regards. Deux ans après la mort d’Adama Traoré, où en est l’enquête ?

Youcef Brakni. Au point mort. Les gendarmes n’ont pas été entendus. Il n’y a toujours pas eu de mise en examen. Ils sont toujours en liberté, ils n’ont pas été inquiétés pour ce qu’ils ont fait à Adama Traoré. Donc deux ans après, la justice est au ralenti. Je ne sais même pas si on peut dire "ralenti". C’est à l’arrêt. Donc là, on va mettre la pression. La marche du 21 est là pour ça, et aussi pour dire qu’on veut un procès au plus vite. C’est un travail politique, à l’image de toutes les actions qu’on mène un peu partout, y compris dans le mouvement social pour dire "il y a une affaire comme ça, ça se passe sous vos yeux, il faut aussi agir".

Donc, pour l’instant, la seule avancée judiciaire a été le dépaysement de l’affaire de Pontoise à Paris à l’automne 2016 ?

Oui. Le rapport de force était là dès le départ. Il y a eu très vite des marches qui ont été organisées, tout un discours politique qui a été mis en place. Le comité, les habitants, la famille ont réussi à démonter les mensonges du parquet de Pontoise, qui avait déclaré que Adama était mort soit des suites d’une prise de drogue, qu’il avait une maladie, bref, tous les mensonges qu’on connaît. Il y a eu cette petite victoire d’obtenir le dépaysement de l’affaire, ce qui n’était pas gagné d’avance. Quand on regarde comment le tribunal de Pontoise juge par ailleurs la famille Traoré, on se dit "heureusement qu’on a dépaysé l’affaire Adama à Paris".(...)

Tous les petits frères d’Assa Traoré qui vivent à Beaumont-sur-Oise ont été placés en détention, ou alors c’est en cours. Il y en a eu cinq de condamnés, quatre sont derrière les barreaux. Le dernier, Cheikne Traoré, a été condamné à six mois de prison, une peine suspendue parce qu’on a fait appel. On voit que pour les frères Traoré, en deux ans de lutte, la justice est assez expéditive.(...)

Il faut une prise de conscience politique dans ce pays, il faut que politiquement prenne en charge cette question-là, comme une question centrale du mouvement social. Ce sont des personnes qui meurent pour des raisons racistes, sociales – le fait d’habiter dans des quartiers populaires, d’être jeune, etc. Si ça, ce n’est pas central dans un pays, dans une démocratie, si on ne se dit pas qu’il faut qu’on arrête de tuer des gens pour ce qu’ils sont – noirs, arabes, jeunes des quartiers populaires, gitans, etc. – évidemment qu’il y aura toujours cette impunité. Évidemment qu’on ne pourra jamais y mettre un terme.(...)

On dirait qu’on n’a pas eu de passé colonial, esclavagiste. Quand on compare la proportion de descendants d’immigrés, de colonisés, dans la population française et la proportion qu’ils représentent dans les morts de la police, c’est hallucinant. (...)

De nombreux artistes ont affiché leur soutien à votre combat. Recevez-vous également des appuis politiques ?

On voit qu’il y a une prise de conscience, le groupe parlementaire de La France insoumise appelle à venir à la marche du 21 juillet. C’est une première pour une famille victime de violences policières. On se dit que notre travail paie. Il n’y a rien d’autre que la lutte qui paie. (...)

Le centre de gravité politique ne va pas être à Paris, place de la République, mais à Beaumont-sur-Oise, en banlieue, dans le quartier populaire de Boyenval. On a mis un car à disposition au départ de gare du Nord vers 12h-12h30. Les militants de Dijon, mobilisés autour de Bure, vont aussi venir en car. Tout le monde est le bienvenu.