
Alternatiba s’est déroulée dimanche 6 octobre à Bayonne. Dans une ville investie par des dizaines de présentations d’alternatives au système économique dominant, plus de quinze mille personnes ont échangé, réfléchi et discuté. Paradoxe : à la gravité du diagnostic sur le changement climatique s’opposait un sentiment joyeux d’alliance dans une lutte vitale
(...) La pluie matinale n’a pas découragé les premiers curieux. La journée du samedi a été pensée comme un « off » de préparation à l’événement officiel du lendemain, mais la première conférence fait déjà salle comble. « Etes-vous inscrits ? » A l’entrée, les organisateurs sont obligés de refouler les visiteurs en surnombre. A l’intérieur, les intervenants posent les bases du débat général – « le défi climatique » – reprenant notamment les conclusions du nouveau rapport du GIEC. Une deuxième conférence l’après-midi, « le changement climatique, première question planétaire à solidarité obligatoire », nous rappelle que le dérèglement des températures pose la question de la justice climatique internationale.
Au terme de ces débats, deux grandes idées se démarquent : le réchauffement climatique appelle à une mobilisation générale. Ensuite, ce défi invite à revoir notre posture à l’égard du problème. Face à la dépression climatique, le bonheur est une force de vie nécessaire pour mener le combat, estime Patrick Viveret : « Décider d’être heureux est un acte de légitime résistance ». (...)
« Ensemble, construisons un monde meilleur en relevant le défi climatique ». L’amphithéâtre 400 est plein, une foule attentive, un bébé, quelques enfants. Le climatologue Christophe Cassou, chercheur au centre de recherche Cerfacs de Toulouse, rapporte en quelques minutes les principales conclusions du cinquième rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), publié le 27 septembre.
Il explique que le niveau actuel de concentration du gaz carbonique dans l’atmosphère, 400 ppm (parties par million) est le plus élevé jamais observé depuis 800 000 ans, et un niveau jamais observé depuis qu’homo sapiens sapiens a vécu (environ 100 000 ans). Il explique aussi que l’on raisonne aujourd’hui sur un réchauffement planétaire de plusieurs degrés sur une période de cent ans, alors que dans le passé, de telles variations (passage d’une période glaciaire à une période interglaciaire) se sont déroulées sur plus de dix mille ans. « La vitesse du changement actuel est extrême », souligne-t-il.
Geneviève Azam prend la parole. « Alternatiba est un véritable événement politique, on invente ici les voies pour que le peuple de la Terre relève le défi climatique. Il ne s’agit pas d’un défi pour les générations futures, mais d’une solidarité avec les générations présentes, qui le vivent déjà, comme au Bangladesh, ou comme les enfants déjà nés. Ce n’est pas une solidarité abstraite pour demain, mais active pour aujourd’hui. » L’auditoire est très attentif, une petite fille passe devant la tribune, paisiblement, son doudou à la main. (...)
Les mots d’espérance positive, de fête, de plaisir, de joie, emplissent la salle. Il y a trois portes dans l’existence humaine, selon un mythe indien : les portes de la beauté, de l’amour, de la douleur. « Eh bien, conclut Patrick, il nous faut mener la résistance, mais aussi réapprendre la porte de la beauté, et comprendre que la porte de l’amour est l’avenir de l’humanité, par une capacité relationnelle supérieure ». L’applaudissement est enthousiaste et prolongé.
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La journée passe. Impossible de tout voir de tout entendre. Alternatiba, c’est des dizaines de conférences, des dizaines d’animations de rues sur des problématiques écologiques ou sociétales, des concerts : autant d’initatives venues se présenter et se rencontrer surtout. De belles rencontres.
Un peu de people, pas trop. Et des gens. Certains de la région et beaucoup venus de plus loin. Cet habitant de Auch dans le Gers, militant de Attac, pour qui faire deux cents ou trois cents kilomètres pour venir à Alternatiba était « naturel ». Ou Marianne, étudiante de Sciences Po Bordeaux qui a entendu parler de Alternatiba dans la Ressourcerie qu’elle fréquente. Oui elle aurait pu faire autre chose ce même jour à Bordeaux. Elle a préféré prendre une journée sur son job de cadreuse pour venir partager les expériences, sentir le pouls du changement.
Je regarde le monde en face… et j’avance. (...)
Les alternatives de la société ne prendront sens que si elles se mettent en réseau et en conscience commune pour faire une "masse critique" permettant de peser et de bousculer la société ; de même, les médias alternatifs devraient, à notre avis, tenter de trouver des complémentarités, mutualiser ce qui peut l’être, partager et échanger afin de constituer, ensemble, une masse critique pour bousculer l’information contrôlée des gros médias vacillants. Y parviendrons-nous ? En tout cas, commençons à en parler, et à le faire.
Dès ce mois-ci, Reporterre commence un partenariat avec Silence. (...)
Pour incarner cette représentation joyeuse, les quais de la Nive se sont transformés en scène alternative de performance artistique en tout genre