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À Bayonne, une agriculture urbaine qui rêve de changer le système alimentaire
Article mis en ligne le 13 août 2020
dernière modification le 12 août 2020

L’agriculture urbaine, une mode ? À Bayonne, l’association Graines de Liberté oeuvre depuis 2012 au développement de jardins partagés agroécologiques. À l’issue du confinement, elle a constitué avec d’autres le collectif Autonomie Alimentaire Pays Basque. L’occasion de se frayer un passage entre les courges et les aromates pour mieux comprendre les enjeux de cette agriculture, après notre visite, début juillet, de la « plus grande ferme urbaine d’Europe » à Paris.

« Depuis cinq ans ici, c’est un jardin expérimental », commence l’animatrice avec entrain, alors que nous tentons de jauger d’un coup d’oeil l’ampleur du jardin, et apercevons des plantations foisonnantes qui ne semblent, en rien, expérimentales.

La crise du Covid-19 étant passée par là, l’installation du potager n’a pu être faite, comme les autres années, par les enfants, et Lili et Laurent, le co-fondateur de Graines de Liberté, ont assuré l’intérim, venant chaque jour semer, repiquer pour que les enfants puissent en profiter à leur retour. (...)

En cette mi-juillet, le résultat est impressionnant. Mis à part les choux qui, au premier plan, replantés la veille par les enfants, « font un peu la gueule », s’étalent, de part et d’autre du terrain : la milpa, une association amérindienne courge-haricot-maïs, emblématique de la permaculture car combinant trois plantes compagnes (« le maïs fait tuteur, le haricot monte autour, la courge garde la fraîcheur au sol »), une « marelle comestible » où ont été installées en mars les lasagnes, qui ont permis de récolter 19 kilos de pommes de terre donnés aux enfants, une grande « spirale d’aromates » ouverte à la cueillette pour les voisins de l’école (sauge de Californie, pimprenelle, serpolet, coriandre vietnamienne, etc.) et au milieu de laquelle s’élèvent aussi des plants de concombres et de cornichons, des plants d’artichauts qui ont fleuri (« On a oublié de les ramasser, mais comme ça les enfants se rendent compte que ça devient une jolie fleur »), non loin d’arbres fruitiers, de plants de fraisiers et de framboisiers, d’une belle rangée de patates douces, de radis, de topinambours, de toutes sortes de menthes, « pour la tisane, la cuisine, le paillage, et celles-là sont en fleurs pour les pollinisateurs », et - peut-être à nos yeux, le clou du spectacle - de petits mais vaillants plants de pois chiche. Chaque plantation est identifiée par un panneau gravé, si l’on en croit la calligraphie, par les élèves.

(...) Enfin, est installée une serre tunnel - parrainée par le botaniste Francis Hallé, peut-on lire sur le site - qui permet de réaliser les semis plus tôt dans l’année. (...)

Si le jardin est « expérimental », ce n’est donc pas par fausse modestie. Pour s’adapter aux contraintes du terrain, plusieurs techniques ont été utilisées depuis 2014 (culture en buttes, marelle) et le projet évolue d’une année sur l’autre en même temps que sa vocation pédagogique, développée avec l’équipe enseignante de l’école, « à fond ». (...)

« On leur fait garder les pépins. Sinon, pour eux, les fruits, ça pousse à Lidl » (...)

Mais cette année, au rôle pédagogique s’est ajoutée une nouvelle dimension : « Le Covid, on sait pas jusqu’où ça va aller, alors on s’est dit qu’on allait faire plus, explique Lili : aller jusqu’au bout du cycle, faire nos semences (laisser monter en graines certains plants pour récupérer les graines pour l’année suivante), et voir combien on est capables de produire. Les concombres, on en a déjà récolté 80. Et si on doublait les plants ? Depuis le début de confinement, on est trois familles à venir se servir ici, et à ne pas avoir acheté un seul concombre, une seule salade. » (...)

Comme pour toutes celles et ceux qui, cette année, se sont découvert une passion soudaine pour le jardinage ou ont improvisé un micro-potager sur leur balcon, le confinement a donc, ici aussi, fait office de stage de perfectionnement. L’an prochain, un potager installé avec la même application pourrait « nourrir quelques familles qui sont en difficulté », espère Lili.

C’est ainsi qu’au fil des semaines le sujet de l’autonomie alimentaire, que ne revendique pourtant pas Graines de Liberté, s’est frayé une place. Tant d’espaces verts en ville, et rien n’y pousse ! « Alors que l’entretien coûte cher, juste pour tondre ! ». (...)

Le collectif Autonomie Alimentaire réclame un Droit de jardiner pour tous sur les espaces verts communaux (...)

Les associations font valoir qu’elles ont, avec la population, « les compétences et les matières premières » pour redonner vie à ces espaces inutilisés, citent l’éloignement de la nature et la crise de la biodiversité, nocifs pour « notre santé et notre bien-être », mais aussi des exemples de « résilience alimentaire par l’agriculture urbaine en Russie, à Cuba, en Espagne. »
Jusqu’à la dernière courge

En parallèle de la pétition, le collectif a investi un champ en friche, dans un quartier adossé entre ville et campagne, pour une action collective et symbolique qui a réuni, fin juin, quelques 70 personnes : une opération de plantation de courges. (...)

« Chaque ville doit penser son autonomie alimentaire » (...)

« Le système dans lequel on est te pousse à être tout seul dans ton tracteur comme un dingue » (...)

« Mon travail n’est pas de "sauver la planète" et de donner à manger à tout le monde. L’agriculture urbaine, c’est aussi retrouver du poétique dans la vie » (...)

En attendant une « politique qui permettra de changer de système de production, de relation à la terre, au vivant », une politique « qui reconnaîtra qu’on s’est gouré », Graines de Liberté continuera donc à cultiver ses jardins. (...)