
Vincent Bolloré provoque la stupeur en plaçant ses hommes aux postes clés du groupe audiovisuel.
Le temps des purges n’en finit pas à Canal +. Après Bertrand Meheut (président du directoire), Rodolphe Belmer (directeur général), Thierry Langlois (directeur des antennes), Alice Holzman (patronne de CanalSat), Ara Aprikian (patron de D8, D17 et i-Télé), Cécilia Ragueneau (directrice d’i-Télé), Céline Pigalle (directrice de la rédaction du groupe Canal +), après les auteurs des Guignols et Renaud Le Van Kim, producteur du Grand Journal, c’est au tour de Thierry Thuillier (directeur des sports de Canal +) et de Nathalie Coste-Cerdan (directrice du cinéma) d’être virée de la chaîne. Signe de ce management autoritaire, cette dernière l’a appris au cours d’un rendez-vous avec Vincent Bolloré vendredi, et elle est tombée de sa chaise : il lui avait en effet donné des garanties quelques jours auparavant sur son maintien en poste.
Il est vrai que la veille était annoncée l’arrivée du producteur Didier Lupfer, chargé de « couvrir le cinéma ».Il devient de fait le nouvel homme fort de la chaîne pour ce département. (...)
Rôle cardinal
Des observateurs considèrent que les têtes de Belmer et Coste-Cerdan sont tombées parce qu’ils ont été trop généreux à l’égard de la profession cinéma en mai, maintenant une sorte de statu quo pour cinq ans avec une enveloppe de financement conséquente (225 millions d’euros par an), la chaîne s’engageant ainsi à consacrer 12,5 % de son chiffre d’affaires à l’achat de films européens et français, et à maintenir une ligne éditoriale ne délaissant pas les auteurs les plus difficiles et les films à petit budget. Sans doute aussi n’ont-ils pas été suffisamment à la manœuvre sur le grand dossier de la chronologie des médias, d’autant moins que le modèle actuel profitait jusqu’ici à Canal + qui jouissait d’une fenêtre de diffusion prioritaire, chronologie qui va désormais être le grand chantier conflictuel entre producteurs, distributeurs, exploitants et diffuseurs. (...)
Le débarquement brutal de Cécilia Ragueneau et de Céline Pigalle, en fin de semaine dernière, a refroidi toute la maison. Même si i-Télé n’est pas parvenue à rattraper BFMTV, les résultats de la chaîne d’info en continu sont en progression. Et les deux femmes se montraient sourcilleuses d’une certaine éthique. « Cela faisait une dizaine de jours que l’on se doutait qu’il y avait de l’eau dans le gaz et plusieurs mois qu’on sentait que cela allait être compliqué », raconte une source interne. C’est au comité de management de jeudi, qui réunissait les cent cadres dirigeants du groupe, que beaucoup ont compris que leurs jours étaient comptés. Vincent Bolloré a laissé Bertrand Meheut ouvrir la réunion, l’écoutant dire sans broncher qu’il avait un bon bilan, avant de le corriger quelques instants plus tard : « C’est un bon bilan, mais… » Enchaînant avec cette phrase qui reste gravée dans les esprits de chacun : « Avant l’été, je vous avais dit que nous allions revoir la structure et l’organisation dès le retour de l’été, j’espère que vous avez quand même pu passer un bon été, que vous n’avez pas eu trop peur des purges… possibles. » Et de citer les noms de certains nouveaux directeurs alors que les titulaires étaient dans la salle et n’avaient pas été informés qu’ils étaient remplacés. (...)
Pour piloter la rédaction d’i-Télé, le choix de Guillaume Zeller en laisse sceptiques beaucoup. Ce n’est pas tant sa proximité avec les milieux cathos et la droite pure et dure qui choque (encore que…). C’est surtout que cet ancien de Direct 8 et de DirectMatin.fr n’a jamais vraiment piloté une grande chaîne d’info. « Je vais commencer mon stage dès demain », a-t-il d’ailleurs lancé en préambule à l’équipe consternée.
Que cherche donc Bolloré ? « Il veut essentiellement de la loyauté, des fidèles qui vont faire ce qu’il va leur demander de faire, raconte une source interne. Du coup, ces gens-là sont incapables de dire quel est le projet exactement car lui-même ne l’a sans doute pas encore défini. » Une chaîne d’info en continu très marquée à droite, à l’image de l’américaine Fox News ? En cette période de précampagne présidentielle, cela y ressemble fort. Ce qui est sûr, c’est que c’est lui qui décide. A l’image de Maïtena Biraben, que lui seul a choisie. Un sacré cadeau empoisonné pour la nouvelle animatrice du Grand Journal.
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