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le Monde
A Mogadiscio, un terrible attentat met fin au « printemps somalien »
Article mis en ligne le 16 octobre 2017

L’attentat, toujours pas revendiqué mais selon toute vraisemblance mené par le groupe Al-Chabab (affilié à Al-Qaida), est le plus meurtrier jamais commis en Somalie.

En vingt-cinq ans de drames et de guerre civile, les Somaliens pensaient s’être habitués à tout. Mais pas à ça. Plusieurs centaines de corps sans vie, noircis, brûlés, déchiquetés, méconnaissables, étalés sur la chaussée enflammée de Mogadiscio, entre les immeubles effondrés et les commerces détruits. La capitale somalienne, frappée samedi 14 octobre dans l’après-midi par un attentat au camion piégé, offrait un visage de mort. Une vision d’apocalypse. (...)

Dans cette ville marquée par les stigmates de deux décennies de guerre civile et frappée de manière quasi hebdomadaire par des attentats, on ne s’est pas contenté, comme à l’habitude, de nettoyer la place et reprendre une vie « normale ». Dimanche, des centaines d’habitants, peut-être des milliers, ont pris la rue, faisant la queue pour donner leur sang et crier leur refus du terrorisme et de la violence. Du jamais-vu de mémoire somalienne. (...)

Dans les mots et dans les yeux, il y avait de la tristesse mais aussi de la rancœur. Car l’attentat de samedi a mis brutalement fin à un « printemps somalien » qui n’aura duré que sept petits mois, suscité par l’élection au mois de février du très populaire président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit « Farmajo ».
Fin de l’état de grâce

Le chef de l’Etat, ancien réfugié aux Etats-Unis, pouvait bien poser dans un hôpital, donnant lui-même son sang pour les victimes, assurer que « la terreur ne l’emportera[it] pas » et décréter trois jours de deuil national. Son état de grâce est bien terminé. « Farmajo n’a cessé de promettre que la sécurité serait rétablie à Mogadiscio. Mais les Chabab, malgré quelques revers en province, ne cessent de montrer que c’est faux et qu’ils restent maîtres du terrain, capables de déjouer les barrages de la police », insiste Roland Marchal, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po Paris. (...)

Les djihadistes somaliens, malgré leur expulsion de Mogadiscio en 2011 et quelques revers locaux, contrôlent toujours une part substantielle du territoire somalien. Sûrs de leur force, ils n’hésitent pas aujourd’hui à attaquer des camps militaires de l’armée nationale ou de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), à qui ils dérobent armes, explosifs et munitions.
Dans l’attentat de samedi, « on a identifié deux camions piégés et bourrés d’explosifs militaires mais aussi sans doute des composants chimiques inflammables, introuvables en Somalie », détaille notre source, qui chiffre la charge explosive totale de l’attaque de samedi à « au moins deux tonnes ». Un chiffre colossal : (...)

les Chabab sont moins médiatisés et moins connus que les groupes djihadistes nigérians ou sahéliens. Pourtant, selon une étude récente menée par Centre d’études stratégiques de l’Afrique, le groupe somalien serait devenu en 2016 le plus meurtrier du continent africain, causant la mort de plus de 4 200 victimes contre 3 500 pour Boko Haram, relégué au second rang.
Face à la menace croissante, Africains comme Occidentaux semblent dépourvus de vision à long terme. Hormis des condamnations de circonstance, peu de gestes concrets sont à attendre. L’Amisom, forte de 22 000 hommes, manque de moyens et de logistique. Elle est de toute façon sur le départ, tandis que l’armée nationale somalienne, censée prendre la relève, demeure une coquille vide. « Les Chabab sont à l’offensive. Ils se nourrissent de tous les maux du pays, insiste Roland Marchal. A l’heure qu’il est, il apparaît impossible de les battre. »