Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Point
A Paris, la prise en charge des jeunes migrants tourne au casse-tête
Article mis en ligne le 20 février 2019

"Les récits sont souvent stéréotypés, il est très rare qu’un jeune raconte que son voyage a été financé. Ca n’aurait pourtant aucune incidence sur notre avis", explique Aminata Kebe, chef de service à la Croix-Rouge qui est chargée par la ville de Paris d’évaluer l’âge de ces jeunes arrivants.

Une tâche difficile : ces grands adolescents, surtout originaires d’Afrique sub-saharienne, sont lestés d’un exil propre à les vieillir prématurément. Et "ils n’ont généralement aucun document" avec eux, soupire Dominique Versini, adjointe à la ville de Paris chargée de l’enfance.

La procédure parisienne prévoit un entretien, puis un second plus long dans les cas litigieux. "On prend en compte la maturité, la capacité à raconter, le langage corporel...", explique Mme Kebe.

Pas question de tests osseux, ajoute-t-elle. Ces tests très décriés, sur lesquels le Conseil constitutionnel se penchera le 14 mars, n’interviennent éventuellement qu’à l’étape suivante, lorsque le jeune a saisi le juge.

A l’issue du processus, près de 30 % seront reconnus "mineurs non accompagnés" (MNA), et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

Mais la Croix-Rouge fait l’objet de vives critiques de la part de plusieurs associations qui dénoncent un "tri" indigne de ses valeurs, des entretiens "sommaires" et "des refus d’évaluation purs et simples".

"Trafics"
Des accusations réfutées par l’ONG centenaire, qui ne nie pas une saturation ces derniers mois, puisque les locaux initiaux, calibrés pour une vingtaine de jeunes, recevaient 50 demandes par jour.

Le nombre de jeunes se présentant pour une évaluation a en effet explosé à Paris, passant de 1.500 en 2015 à 7.500 l’an dernier. (...)

Reste que la prise en charge de ces "mineurs non accompagnés" est un casse-tête à Paris, qui accuse d’autres départements comme les Hauts-de-Seine de lui envoyer des jeunes dont ils ne veulent pas : l’évaluation a coûté 1,6 million d’euros à la capitale et la mise à l’abri 6,4 millions l’an dernier.

L’évaluation est en effet, tout comme la prise en charge des mineurs, confiée aux départements qui se disent aujourd’hui débordés : près de 17.000 MNA leur ont été confiés par la justice l’an dernier (contre 15.000 l’année précédente), selon la Chancellerie.

Pour éviter des évaluations multiples, le gouvernement vient de créer un fichier biométrique des mineurs, très décrié par les associations qui dénoncent une confusion avec la lutte contre l’immigration irrégulière. (...)

Les jeunes évalués majeurs risquent en effet de se retrouver dans le fichier des étrangers, avec un risque d’expulsion à la clé.

Une fragilisation de plus pour des jeunes en situation déjà précaire, alertent les associations : s’ils peuvent saisir le juge des enfants pour contester l’évaluation de leur âge, la décision met "entre 4 et 18 mois à tomber", affirme Alix Geoffroy de l’association d’aide aux migrants Utopia 56.

Entre temps beaucoup se retrouvent sans solution de prise en charge, "à la merci de tous les trafics", selon elle.