
Ville emblématique de la contre-culture étatsunienne des années 1960, San Francisco est aussi le lieu d’émergence de différents mouvements alternatifs. Parmi eux, le biorégionalisme, qui vise une harmonie entre les sociétés humaines et leur environnement. Créée en 1973 pour diffuser la pensée biorégionale, l’association Planet Drum Foundation fait encore aujourd’hui figure de référence dans ce milieu écologiste radical.
Reportage, San Francisco
En arrivant à l’angle de la 30th et de Harper street, au sud du quartier paisible de Noe Valley, à San Francisco, n’importe quel citadin serait surpris par le caractère inhabituellement champêtre du trottoir. Ici, sur une cinquantaine de mètres, le béton a été retiré pour laisser place à un trottoir « naturel » , où poussent diverses espèces de plantes et d’arbres, toutes natives de la région – plus exactement de la Shasta bioregion. (...)
l’influence de Planet Drum est inversement proportionnelle à sa taille : si seulement quatre personnes y travaillent quelques matinées par semaine, sa notoriété est internationale. Pour Giuseppe Moretti, écologiste italien, « le rôle de Planet Drum a été essentiel à la diffusion du biorégionalisme » [1].
De l’Italie jusqu’au Japon, en passant par l’Australie, Planet Drum a insufflé dans les consciences une nouvelle façon de penser les relations homme-nature, par le biorégionalisme. Si ce terme est toujours absent des dictionnaires français, il désigne pourtant l’un des mouvements les plus fédérateurs des écologistes du monde entier, notamment anglo-saxons. (...)
Pour le penseur Peter Berg, père incontesté du biorégionalisme, et cofondateur de Planet Drum, « une biorégion est un terrain géographique et un terrain de conscience » [3]. En promouvant une forte adaptation (reinhabitation) des sociétés humaines pour coïncider avec les caractéristiques de la biorégion qu’elles occupent (living-in-place), le biorégionalisme se présente comme un modèle de société alternatif, qui inclut les êtres humains comme partie intégrante de la nature.
Pour Berg, il est nécessaire de réapprendre à vivre en harmonie avec l’environnement qui nous entoure. La civilisation occidentale, dont les Etats-Unis sont sans doute l’exemple le plus abouti, apparaît aujourd’hui totalement déconnectée de son milieu naturel. Si on demande à un citadin d’où vient son eau, on peut parier que celui-ci répondra : « du robinet ». Mais pour les biorégionalistes, « le robinet est le dernier endroit par lequel l’eau passe, mais non celui d’où elle provient ». (...)
« Les gens font partie de la nature et la nature est le sujet » [4] répètera inlassablement Berg à chaque conférence ou interview qu’il aura l’occasion de donner aux quatre coins du monde. (...)
Le voile se lève alors sur la signification du nom de l’association, évocateur de cette volonté de rayonnement : Planet Drum suggère un roulement de tambour pour la Terre, comme une levée de rideau annonciatrice d’une profonde prise de conscience écologiste.