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À Toulouse, l’enfer des amendes de stationnement pour les personnes en situation de handicap
#inegalites #stationnement #Toulouse
Article mis en ligne le 12 janvier 2023
dernière modification le 11 janvier 2023

Le nouveau système de verbalisation du stationnement payant à Toulouse pénalise les personnes en situation de handicap. Elles accumulent les amendes malgré leurs cartes de stationnement gratuit.

« 300 euros ». Depuis septembre 2022, Sabrina (1) a reçu dix amendes de stationnement dans Toulouse. Elle est pourtant détentrice d’une Carte de Mobilité Inclusion (CMI), qui lui permet d’utiliser gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement ouvertes au public. Cette mère d’un adolescent autiste, elle-même en situation de handicap, l’utilise depuis sept ans. Mais depuis l’installation du nouveau système d’amende déployé à Toulouse, nommé le LAPI – pour Lecture automatisée des plaques d’immatriculation – (...)

Le système de LAPI est installé sur deux véhicules qui sillonnent quotidiennement les rues de Toulouse à la recherche de ceux qui ne paient pas leur stationnement. Sauf qu’il ne prend pas en compte ces cartes réservées aux personnes en situation de handicap, accompagnants et invalides. Et les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), censés contrôler depuis leurs voitures, ne semblent pas vérifier systématiquement si la CMI est affichée sur le pare-brise. (...)

Déjà en vigueur dans plusieurs villes de France (Paris, Bordeaux, Lille, etc), cet arsenal répressif est très efficace pour gonfler les recettes de la lutte contre la fraude au stationnement. (...)

Depuis la mise en place du LAPI, l’association Handi-social, qui défend les droits des personnes en situation de handicap, a reçu au moins 24 demandes d’aide de personnes détentrices de la CMI et pénalisées par ce système à Toulouse. (...)

La mairie campe sur ses positions

Plusieurs solutions ont été proposées par le maire Les Républicains de Toulouse, Jean-Luc Moudenc. D’abord, Sabrina et Véronique ont la possibilité de contester en remplissant un formulaire intitulé : le recours administratif préalable obligatoire (Rapo). « Des démarches supplémentaires », fustige Véronique. La sexagénaire déplore également « l’absence d’interlocuteur réel » :

« Notre quotidien est assez pénible pour passer notre temps à faire des démarches. »

La mairie a également proposé des tickets « PMR gratuit » valables pour 24 heures maximum à récupérer à l’horodateur. « C’est tout simplement impossible pour nous. Les horodateurs ne nous sont pas accessibles », s’agace Odile Maurin, la présidente de Handi-Social, qui poursuit :

« Sur mon fauteuil, je suis bien trop bas et je ne peux pas lever mes bras. » (2)

Véronique, elle, remet en question la fiabilité des tickets : « J’avais garé ma voiture sur une place de stationnement payant, avec un ticket gratuit PMR. J’ai quand même reçu deux amendes de 30 euros… »

Une application mobile avec le même service a ensuite été proposée. Mais elle ne respecte pas les normes d’accessibilité aux personnes déficientes visuelles et aveugles. L’app’ pose également des questions de confidentialité. « On m’a demandé de rentrer mes coordonnées bancaires », raconte Sabrina. « Pourquoi faire ça, alors qu’on est censé bénéficier de la gratuité ? J’ai vite désinstallé l’application. »
Une mesure « pousse-au-crime »

La ville de Toulouse a par la suite mis en place une nouvelle application qui ne nécessite plus de donner ses codes de carte bancaire. Mais pour Véronique, cela ne change rien. Elle rappelle qu’à l’échelle nationale, la fameuse Carte Mobilité Inclusion est prévue et suffisante pour accéder à ses droits (...)

« J’ai vraiment l’impression d’être fliquée pour ce que je suis, ce n’est pas normal. »

Dernière possibilité : inscrire son véhicule et sa plaque d’immatriculation en ligne auprès de la mairie, à renouveler tous les deux ans. Cependant, un seul véhicule par personne est autorisé. « On enregistre le véhicule d’une auxiliaire de vie qui va donc pouvoir stationner gratuitement tout le temps, même si elle ne transporte pas la personne ? », souffle Odile Maurin, qui rappelle que les personnes en situation de handicap possèdent une CMI pour pouvoir être accompagnées par différentes personnes selon leurs besoins. « C’est du pousse-au-crime. En plus, tout le monde ne sait pas utiliser une application sur téléphone. »

Il n’existe aujourd’hui aucune base nationale pour centraliser les données de stationnement. Ce qui oblige les personnes handicapées à effectuer les démarches dans chacune des villes où sont utilisées les voitures LAPI.

Des solutions ?

Les associations comme Handi-social soutiennent ne pas être « fondamentalement contre la verbalisation du stationnement ». « On demande l’instauration d’un pré-contrôle, c’est-à-dire la vérification visuelle systématique par des agents des véhicules en infraction. De sorte à ne pas mettre d’amende à ceux avec une carte de stationnement », pose Odile Maurin. Ce qui en fait, devrait déjà être fait par les ASVP. Leur deuxième demande est « d’améliorer la caméra des véhicules de police pour flasher la carte de stationnement ». (...)

L’association Handi-social et Odile Maurin ont déposé le 15 décembre dernier un recours devant le tribunal administratif de Toulouse, qui demande l’annulation du dispositif. Le 27 décembre, l’élue a aussi déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) estimant que ce dispositif « bafoue » les droits des personnes handicapées. Lors d’une conférence de presse ce jeudi 5 janvier, la conseillère municipale et son avocat, maître David Nabet-Martin, ont assuré qu’ils allaient prochainement déposer une requête en référé devant la justice.