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À propos d’un rapport d’Amnesty : médias et violences policières
Article mis en ligne le 19 juin 2017
dernière modification le 18 juin 2017

Amnesty international, dans un rapport rendu public le 31 mai 2017 [1], dénonce les dérives de l’état d’urgence en France depuis son entrée en vigueur en novembre 2015, et notamment sur le droit de manifester.
L’examen de l’ensemble de ce rapport ne relève pas de la critique des médias. En revanche, ce même rapport fait état, selon ses propres termes, d’un « usage disproportionné de la force » et de violences policières. Or, avant sa publication, rares – très rares – ont été les grands médias qui ont enquêté sur ces violences. Qu’ont-ils découvert dans le rapport à ce propos et qu’en ont-ils retenu ?

Un journalisme de maintien de l’ordre ?
Négliger les « violences policières » pour se concentrer sur les affrontements « en marge » (comme ils disent…) des mobilisations écologistes et des manifestations contre la « Loi travail » : telle a trop longtemps été la règle observée par les grands médias, et en particulier par les télévisions, si friandes d’images spectaculaires qu’elles se sont bien gardées d’enquêter sur le rôle et les agissements des forces de police. Des médias souvent plus soucieux de soutenir le « maintien de l’ordre » que d’informer.

Pourtant, une enquête semblable à celle d’Amnesty concernant les violences policières avait été menée par Reporterre et publiée en juin 2016. À l’époque, le Rapport de la Mission civile d’information sur les actions de maintien de l’ordre menées depuis les manifestations contre la loi Travail en février 2016 n’avait été commenté ni relayé quasiment nulle part, à l’exception notable de Libération, Politis, et de quelques médias alternatifs [2]. À croire qu’un média indépendant (qui ne figure pas parmi les « grands ») serait une source négligeable ou peu fiable, trop engagée et, partant moins sérieuse qu’une ONG. À moins que les faits relevés dans une enquête publiée en juin 2016, au plus fort des mobilisations sociales, ne méritent d’être (très inégalement…) pris en considération que lorsque celles-ci ont cessé ?

Dès mai 2016, nous avions nous-mêmes mis en cause le traitement médiatique du comportement des forces de police – « Loi Travail : matraquages médiatiques sur les manifestations » (...)

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À propos d’un rapport d’Amnesty : médias et violences policières
par Henri Maler, Pauline Perrenot, Mercredi 14 Juin 2017

Amnesty international, dans un rapport rendu public le 31 mai 2017 [1], dénonce les dérives de l’état d’urgence en France depuis son entrée en vigueur en novembre 2015, et notamment sur le droit de manifester.
L’examen de l’ensemble de ce rapport ne relève pas de la critique des médias. En revanche, ce même rapport fait état, selon ses propres termes, d’un « usage disproportionné de la force » et de violences policières. Or, avant sa publication, rares – très rares – ont été les grands médias qui ont enquêté sur ces violences. Qu’ont-ils découvert dans le rapport à ce propos et qu’en ont-ils retenu ?
Un journalisme de maintien de l’ordre ?
Négliger les « violences policières » pour se concentrer sur les affrontements « en marge » (comme ils disent…) des mobilisations écologistes et des manifestations contre la « Loi travail » : telle a trop longtemps été la règle observée par les grands médias, et en particulier par les télévisions, si friandes d’images spectaculaires qu’elles se sont bien gardées d’enquêter sur le rôle et les agissements des forces de police. Des médias souvent plus soucieux de soutenir le « maintien de l’ordre » que d’informer.

Pourtant, une enquête semblable à celle d’Amnesty concernant les violences policières avait été menée par Reporterre et publiée en juin 2016. À l’époque, le Rapport de la Mission civile d’information sur les actions de maintien de l’ordre menées depuis les manifestations contre la loi Travail en février 2016 n’avait été commenté ni relayé quasiment nulle part, à l’exception notable de Libération, Politis, et de quelques médias alternatifs [2]. À croire qu’un média indépendant (qui ne figure pas parmi les « grands ») serait une source négligeable ou peu fiable, trop engagée et, partant moins sérieuse qu’une ONG. À moins que les faits relevés dans une enquête publiée en juin 2016, au plus fort des mobilisations sociales, ne méritent d’être (très inégalement…) pris en considération que lorsque celles-ci ont cessé ?

Dès mai 2016, nous avions nous-mêmes mis en cause le traitement médiatique du comportement des forces de police – « Loi Travail : matraquages médiatiques sur les manifestations » – en relevant notamment le contraste entre « la reprise en boucle […] des chiffres et éléments de langage de la Préfecture » et le « silence sur les violences policières » [3]. De même, nous avons montré – « Violences policières « en marge » des manifestations : les mots pour (ne pas) le dire » – comment les interventions policières étaient présentées dans des termes biaisés qui permettaient d’éluder ou de relativiser leurs conséquences.

Et pourtant …

Plus de 1000 blessés : ce chiffre, retenu avec précaution par le rapport d’Amnesty, résulte des entretiens avec les Street medics, un mouvement de secouristes bénévoles, et témoigne de l’ampleur des violences policières. Or sur ces violences, en dépit du rapport d’Amnesty, quelques médias ne nous ont pas déçus.

« Cachez ces violences que je ne saurais voir »
Quelques exemples de dissimulation pudique…

 Le Monde, sous le titre « Quand l’état d’urgence rogne le droit de manifester », saupoudre un article fourre-tout de son cru de quelques fragments du rapport d’Amnesty, réussissant le tour de force de ne pas parler une seule fois de violences policières. (...)

Pis : l’article revient sur la mort de Rémi Fraisse, un manifestant de 21 ans tué par une grenade offensive lancée par un gendarme lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens [4]. Mais c’est pour en donner une version lamentable (...)

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À propos d’un rapport d’Amnesty : médias et violences policières
par Henri Maler, Pauline Perrenot, Mercredi 14 Juin 2017

Amnesty international, dans un rapport rendu public le 31 mai 2017 [1], dénonce les dérives de l’état d’urgence en France depuis son entrée en vigueur en novembre 2015, et notamment sur le droit de manifester.
L’examen de l’ensemble de ce rapport ne relève pas de la critique des médias. En revanche, ce même rapport fait état, selon ses propres termes, d’un « usage disproportionné de la force » et de violences policières. Or, avant sa publication, rares – très rares – ont été les grands médias qui ont enquêté sur ces violences. Qu’ont-ils découvert dans le rapport à ce propos et qu’en ont-ils retenu ?
Un journalisme de maintien de l’ordre ?
Négliger les « violences policières » pour se concentrer sur les affrontements « en marge » (comme ils disent…) des mobilisations écologistes et des manifestations contre la « Loi travail » : telle a trop longtemps été la règle observée par les grands médias, et en particulier par les télévisions, si friandes d’images spectaculaires qu’elles se sont bien gardées d’enquêter sur le rôle et les agissements des forces de police. Des médias souvent plus soucieux de soutenir le « maintien de l’ordre » que d’informer.

Pourtant, une enquête semblable à celle d’Amnesty concernant les violences policières avait été menée par Reporterre et publiée en juin 2016. À l’époque, le Rapport de la Mission civile d’information sur les actions de maintien de l’ordre menées depuis les manifestations contre la loi Travail en février 2016 n’avait été commenté ni relayé quasiment nulle part, à l’exception notable de Libération, Politis, et de quelques médias alternatifs [2]. À croire qu’un média indépendant (qui ne figure pas parmi les « grands ») serait une source négligeable ou peu fiable, trop engagée et, partant moins sérieuse qu’une ONG. À moins que les faits relevés dans une enquête publiée en juin 2016, au plus fort des mobilisations sociales, ne méritent d’être (très inégalement…) pris en considération que lorsque celles-ci ont cessé ?

Dès mai 2016, nous avions nous-mêmes mis en cause le traitement médiatique du comportement des forces de police – « Loi Travail : matraquages médiatiques sur les manifestations » – en relevant notamment le contraste entre « la reprise en boucle […] des chiffres et éléments de langage de la Préfecture » et le « silence sur les violences policières » [3]. De même, nous avons montré – « Violences policières « en marge » des manifestations : les mots pour (ne pas) le dire » – comment les interventions policières étaient présentées dans des termes biaisés qui permettaient d’éluder ou de relativiser leurs conséquences.

Et pourtant …

Plus de 1000 blessés : ce chiffre, retenu avec précaution par le rapport d’Amnesty, résulte des entretiens avec les Street medics, un mouvement de secouristes bénévoles, et témoigne de l’ampleur des violences policières. Or sur ces violences, en dépit du rapport d’Amnesty, quelques médias ne nous ont pas déçus.

« Cachez ces violences que je ne saurais voir »
Quelques exemples de dissimulation pudique…

 Le Monde, sous le titre « Quand l’état d’urgence rogne le droit de manifester », saupoudre un article fourre-tout de son cru de quelques fragments du rapport d’Amnesty, réussissant le tour de force de ne pas parler une seule fois de violences policières. Focalisé sur les « interdictions de manifester », il omet soigneusement de mentionner ce qu’il est convenu d’appeler les « pratiques du maintien de l’ordre », se contenant de parler « d’affrontements » entre deux camps : « 90 % de ces arrêtés ont été pris lors de la mobilisation contre la loi travail, une période qui fut souvent émaillée d’affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. »

Pis : l’article revient sur la mort de Rémi Fraisse, un manifestant de 21 ans tué par une grenade offensive lancée par un gendarme lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens [4]. Mais c’est pour en donner une version lamentable :

En 2015, la commission d’enquête parlementaire mise en place après la mort de Rémi Fraisse – en octobre 2014, le jeune militant écologiste était décédé lors d’une manifestation d’opposants à la construction d’un barrage à Sivens (Tarn) – avait proposé de créer, sur le même modèle, une interdiction administrative de manifester pour les individus « condamnés ou connus en tant que casseurs violents ».
Les circonstances précises du décès de Rémi Fraisse sont éludées, comme s’il s’agissait d’un accident, et l’enchaînement entre ce décès inexpliqué et l’interdiction de manifester pour « les individus "condamnés ou connus en tant que casseurs violents" » laisse entendre que Rémi Fraisse était l’un d’eux…

Et pour couronner le tout, la fin de l’article (soit près d’un tiers) est consacrée, dans des termes que l’on s’abstiendra de commenter, aux personnes « radicalisées », ciblées par les interdictions. Force est de constater que, pour Le Monde, le rapport d’Amnesty est un simple prétexte qui ne mérite pas d’être traité pour lui-même. Quant aux violences policières, il en sera sans doute question une autre fois. (...)
Quoi qu’il en soit, dûment alertés par les rapports successifs de Reporterre et d’Amnesty, les médias n’ont plus aucune excuse. Désormais bien informés, armés de chiffres et de témoignages, ils seront peut-être enclins à faire leur travail sans attendre qu’une ONG le fasse à leur place : mener des enquêtes de terrain, en suivant les méthodes d’Amnesty et de Reporterre, afin de documenter et de rendre compte des violences des « forces de l’ordre » plutôt que de livrer en pâture, à longueur de colonnes et d’antenne, le spectacle spectaculaire de vitrines brisées. Et – pourquoi pas ? – en complétant leurs comptes rendus par l’explication des revendications des manifestants.

On peut sérieusement en douter, mais nous ne demandons qu’à être surpris (...)