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Salamé, Demorand, Duhamel & cie : le grand braquage du service public
#medias #servicepublic
Article mis en ligne le 1er novembre 2025
dernière modification le 29 octobre 2025

Le 18 octobre 2025 dans « Quelle époque ! » (France 2), Léa Salamé recevait ses anciens collègues de France Inter. Épicé sur le papier, le cocktail fut explosif à l’écran : cascade de mondanités et déluge de flatteries. Une fois de plus, la télévision a mis en scène l’entre-soi de journalistes s’adonnant à l’autocongratulation. Un grand moment de dépolitisation médiatique !

(...) Comme à chaque rentrée médiatique, le gratin de France Inter se donne en spectacle hors les murs. (...)

Avec le transfert de Léa Salamé de la grand-messe matinale de France Inter à la grand-messe vespérale de France 2, le théâtre de la saison 2025 était tout trouvé : non pas au 20h, point trop n’en faut, mais dans l’émission « Quelle époque ! », dont Léa Salamé est à la fois l’animatrice et la coproductrice via sa société Marinca Prod – un attelage aussi banal que lucratif dans l’audiovisuel public. Nous sommes donc le 18 octobre sur France 2 et c’est jour de fête : l’hôtesse ne cache pas son plaisir de siéger en plateau au côté de « [s]on ancienne famille », Nicolas Demorand, Sonia Devillers et l’immanquable Benjamin Duhamel. Une longue séquence s’amorce alors, où tout (ou presque) n’est que flagornerie. Meilleur du pire : (...)

Les séances d’autocongratulation à qui mieux mieux ont en effet occupé plus de la moitié du temps d’antenne (13 minutes et 30 secondes, précisément), auxquelles il faut ajouter trois épisodes de Benjamin-mania pour un total de 5 minutes et 10 secondes. Ces deux « volets » représentent à eux seuls les trois quarts de la séquence dédiée au trio de radio « le plus écouté de France » : « Je me consume d’amour pour moi : je provoque la flamme que je porte », disait Narcisse de lui-même [1].

Le reste de l’émission ? D’une part, une session de commentaires sur la rentrée politique (3 minutes), laquelle se réduit rapidement au commentaire d’un extrait d’une matinale de France Inter : un niveau d’auto-référencement à donner le tournis ! D’autre part, un passage obligé par le Mélenchon-bashing du moment (3 minutes 50 secondes), monté façon « Quotidien » pour le plus grand bonheur d’un plateau hilare [2]. Totalement creuses sur le fond, ces séquences témoignent surtout du rapport qu’entretiennent ces hauts-gradés des médias à la politique en général et au genre de l’interview politique en particulier : un faire-valoir, « un concours d’éloquence », « un jeu de rhétorique », bref, « un exercice de style ». Le sujet, c’est encore (et toujours) eux. (...)

Radio des copains, radio des puissants

Comme en 2023 chez « Quotidien », puis chez « C à vous » en 2024, les journalistes entretiennent leur notoriété, soignent leur image de marque et cultivent cette « coolitude » que les stars de l’audiovisuel public ont en commun avec la bonne famille arrogante de « Quotidien ». Aussi rient-ils de bon cœur en se regardant eux-mêmes, ici dans des montages-photo coiffés de perruques extravagantes, là dans des archives télé, ou encore à l’antenne de France Inter, dont des extraits sont diffusés dans l’émission. La petite bourgeoisie s’amuse follement. Et elle se suffit à elle-même : « Je pense que j’ai jamais été aussi heureuse à la radio que cette année », déclare Sonia Devillers. (...)

Las… à force de déprédation structurelle et d’usurpation du sens même du « service public », le détricotage méthodique de l’audiovisuel public se poursuit. Encouragée de l’extérieur par trois décennies de politiques publiques au rabais et d’incessants appels à la privatisation, cette orientation est également tolérée en interne, appliquée par les directions et consentie, bon gré mal gré, par une partie de ses professionnels, au premier rang desquels les journalistes les plus en vue. Ces pressions opérant de manière dialectique pour un résultat très efficace, il est urgent de lutter sur tous les fronts à la fois, sous peine de rejoindre les (pâles) avocats de l’information publique dont le combat se réduit tantôt à livrer gages sur gages à l’extrême droite, tantôt à faire bloc pour « défendre ceux qui l’ont confisquée ».