Grosse polémique après la proposition de Jacques Sapir, économiste revendiqué de gauche, d’envisager, dans le cadre d’un « Front de libération nationale » contre les ravages de l’Euro, des relations, non seulement avec certaines composantes de droite, mais aussi avec le Front national.
(...) De fait, quel que soit la justesse de la cause défendue (la neutralisation de la dangereuse monnaie unique européenne en est une), proposer d’ouvrir des relations avec un parti aussi douteux que le FN apparaît donc comme non seulement périlleux et politiquement amoral, mais aussi parfaitement inutile et maladroit : en proposant d’ouvrir des relations avec le FN, Jacques Sapir confère à ce parti une importance qu’il n’a pas. (...)
Ce n’est pas banaliser le FN que de constater la propagation de ses idées, même si, à juste titre, on les trouve faisandées et pour tout dire puériles. Qui d’entre nous n’a pas dans son entourage (familial, bistrot…) quelques pourfendeurs ardents des immigrés cosmopolites, des fainéants de chômeurs, des arnaqueurs patentés aux prestations sociales, de ces petits salopards de terroristes qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils, nos compagnes… ?
Ce n’est pas sacraliser le FN que de prendre acte de son intrusion dans le paysage politique français. Qui niera que sans l’apport des voix frontistes, le non au référendum de 2005 sur le projet de constitution européenne serait resté tristement minoritaire ?
Et alors, qu’est-ce qu’on fait ? On envoie les brebis galeuses frontistes de notre entourage en camp de rééducation ? On les fusille ? On se réfugie dans notre tour d’ivoire de gauche purifiée à 10 % maxi (en comptant large) des voix à chaque élection ? La réalité politique d’un pays est sans doute bien plus complexe que l’idée dont voudraient se convaincre les théoriciens en leur vase clos.
Toujours en vertu des grands principes
En vérité, peu me chaut personnellement de voter comme le FN, ou plutôt que le FN vote comme moi. Que Marine Le Pen en vienne un jour à approuver ma proposition de régulariser tous les migrants sans papier ne me perturberait en rien, bien au contraire. Je l’ai dit et répété, seuls comptent les grands principes auxquels nous nous référons sans défaillir. Ceux-là tiennent en trois mots — Liberté, Égalité, Fraternité — et en 30 articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme . Point.
A-t-on besoin d’ourdir quelques sombres ou troubles relations pour faire valoir ces grands principes ? Qui les aiment les suivent, de droite comme de gauche, extrêmes ou non, c’est leur problème, pas le nôtre.
Le Conseil national de la Résistance, auquel se réfère Jacques Sapir, et qui rassembla des forces de tous horizons, n’est pas né d’une stratégie politique mûrie en alcôves, mais d’une urgence communément ressentie à un moment critique de l’Histoire. Advienne à nouveau que pourra. (...)