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Slate.fr
A quoi sert la polémique Cazeneuve ?
Claude Askolovitch
Article mis en ligne le 25 juillet 2016

Se disputer autour de lui et des mots qui lui échappent, c’est se raconter une histoire, se faire croire que l’on y peut encore quelque chose.

En d’autres temps, ce serait une bonne idée de parler de Bernard Cazeneuve. On dirait, par exemple, que cet homme rachète par sa sobre humanité ce que la politique a de cynique et de verbeux. On se souviendrait qu’il était maire de Cherbourg en 2002 quand des enfants de sa ville, employés de la construction navale, mouraient dans l’attentat de Karachi, et il dut, alors, protéger les familles du bruit et de la pourriture qu’exhalerait bientôt cette affaire, née de la corruption et conclue dans le sang. Cazeneuve a su la mort bien avant que Daesh ne dépucèle à l’horreur ses commensaux politiques. On rappellerait aussi que son meilleur ami s’appelle François Zimeray, notre ambassadeur au Danemark, miraculé il y a un an d’un autre attentat. On dirait de Cazeneuve que son poste l’entame, qu’il ressent plus que d’autres le tragique et l’absurde, que sa rigidité est un masque et sa sauvegarde…

En d’autres temps, on parlerait de Bernard Cazeneuve, politicien professionnel et homme estimable, ça n’a rien d’incompatible. Mais quatre-vingt-quatre morts nous en empêchent. Ce qu’est un homme vivant n’est pas passionnant quand des hommes sont morts, si cet homme vivant avait la charge de les garder. Sans doute le sait-il. Après Nice, l’humanité de Bernard Cazeneuve est une anecdote et son destin politique une futilité. L’énergie mise à le défendre par ses camarades du pouvoir a quelque chose d’indécent, tant elle donne le sentiment d’une coterie en protection, préoccupée d’abord de l’injustice faite à l’un des siens. Ajoutons : l’acharnement de ses ennemis est une autre indécence. On peut disserter à l’infini sur les manques et les failles du 14 juillet, sur la police nationale ou sur la police municipale de Nice que les socialistes vont bientôt mettre en cause, vous verrez, pour faire rendre gorge à Christian Estrosi qui l’aura cherché… Et ensuite ? Même s’il avait été appliqué à la lettre, le dispositif de sécurité du 14 juillet n’aurait pas empêché un camion conduit par un assassin de broyer les innocents de la Promenade. La colère est un exutoire. (...)