
Evitons les malentendus et les faux semblants. La question n’est pas celle de savoir si en ces temps de crise aigue, des réformes sont nécessaires. Oui elles sont nécessaires. Et même indispensables. De même la question n’est pas celle de savoir si des compromis sont nécessaires. Oui ils le sont.
La question posée est bien plus simple et directe. Et c’est à celle là qu’il faut répondre.
L’ANI (Accord National Interprofessionnel) est-il un "bon" accord ? Nous faut-il progresser ou reculer ?
Pour répondre à cette question deux propositions me semblent devoir être formulées.
Un accord mal né
Qui s’en souvient encore ? Au cours de la conférence sociale de l’été 2012, non seulement il n’a pas été question de promouvoir des négociations de type "compétitivité-emploi" (à quoi se ramène pour toute personne honnête le contenu de l’ANI), mais celles ci, selon Jean Marc Ayrault lui même, étaient totalement exclues. Le premier ministre déclarait-il pas en effet au cours de cette Conférence : "La négociation compétitivité-emploi, mal engagée, n’est plus à l’ordre du jour. Un acte II de la négociation sur le marché du travail, ce n’est pas non plus mon état d’esprit". (...)
C’est sous l’insistance du MEDEF que le sujet est revenu sur la table. Le gouvernement après ses annonces initiales et un budget qui pour la première fois depuis longtemps rééquilibrait la fiscalité portant sur les hauts revenus et les entreprises, s’est convaincu qu’il lui fallait, au MEDF donner des contreparties.
C’est ainsi que le principe des négociations sur le sujet des accords compétitivité-emploi, après avoir été explicitement écarté a été remis au centre de la politique gouvernementale. En imposant aux négociateurs une véritable marche forcée.
Rien d’étonnant dès lors, à ce que l’accord qui en résultera n’ait été obtenu que de façon minoritaire. (...)
l’accord mal né, est aussi un accord fortement déséquilibré. Les concessions obtenues par les salariés (hors celle, notable sur les assurances complémentaires), même lorsqu’elles touchent à des points importants, tels le droit rechargeable à l’assurance chômage ou le compte personnel formation... restent largement virtuelles. Des négociations ultérieures doivent en préciser le contenu définitif. Etant posé que dans la plupart des cas, tout doit se faire à somme zéro (le patronat s’opposant fermement à toute augmentation de ses contribution), dès lors qu’il faudra déshabiller Pierre pour habiller Paul, on peut légitimement s’interroger sur les bénéfices pratiques qui pourront finalement être obtenus. L’avenir nous éclairera sur ce point (...)
Par contre pour ce qui est des nouveaux droits acquis par les patrons, le bilan est spectaculaire.
– Dédoublement des voies permettant le recours à des plans d’urgence (par la négociation ou par la voie administrative).
– Droit à baisser les salaires pour deux ans, à moduler le temps de travail en fonction des besoins,
– droit à imposer une mobilité forcée aux salariés,
– sécurisation juridique des décisions et raccourcissement des délais de recours,
– dessaisissement des CHSCT locaux de leur pouvoir d’expertise ...
la moisson est plus qu’abondante. Par dessus tout c’est à une inversion des normes de droit que l’on assiste. Le simple accord d’entreprise (pourvu qu’il soit "majoritaire") abolit les protections du contrat de travail : rien que ça !
(...)