
À l’heure où le gouvernement de Donald Trump se prépare à étendre le programme américain de frappes meurtrières par drones, avec un risque accru de faire des victimes civiles et de procéder à des homicides illégaux, nous appelons quatre pays européens à revoir de toute urgence le soutien opérationnel et l’aide en matière de renseignement qu’ils apportent à ce programme.
Sous plusieurs gouvernements américains successifs, nous avons fourni des exemples d’attaques de drones ayant tué des personnes qui ne participaient pas directement aux hostilités et ne constituaient pas une menace imminente pour la vie humaine, dont des enfants.
DES ATTAQUES MORTELLES SOUTENUES PAR LES PAYS EUROPÉENS
Les gouvernements britannique, allemand, néerlandais et italien soutiennent depuis des années le programme secret d’homicides mené à travers le monde par les États-Unis, auquel ils apportent des renseignements et des infrastructures essentiels malgré la multiplication des victimes civiles et les allégations d’homicides illégaux, dont certains sont constitutifs de crimes de guerre.
Selon le Bureau of Investigative Journalism (BIJ), jusqu’à 1 551 civils ont été tués par des attaques de drones menées par les États-Unis en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie et au Yémen depuis 2004. Le nombre de ces attaques a fortement augmenté depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Le Conseil de relations extérieures, groupe de réflexion basé aux États-Unis, a estimé que le président américain avait approuvé au moins 36 attaques de drones ou opérations spéciales sous forme de raids durant les 45 premiers jours de son mandat.
Selon les médias, Donald Trump a aussi supprimé les rares protections qui existaient sous le gouvernement Obama en ce qui concerne le programme d’attaques par drones. Une nouvelle politique, encore tenue secrète, autoriserait ce programme à prendre pour cible un nombre bien plus grand de personnes même si elles ne sont pas clairement identifiées. (...)
UNE AIDE QUI MANQUE DE TRANSPARENCE
Compte tenu du secret qui entoure ces opérations, il est difficile de déterminer quelles garanties ces États ont mises en place pour s’assurer de ne pas apporter leur aide à des attaques de drones illégales – si tant est que de telles garanties existent.
Le manque de transparence, qui caractérise le programme américain d’attaques par drones, limite l’obligation de rendre des comptes et prive les victimes et leurs familles de l’accès à la justice.
Un rapport de 2013 a rendu compte de la mort de 18 ouvriers, dont un adolescent de 14 ans, ainsi que d’une femme de 68 ans, tués par plusieurs attaques de drones au Pakistan. Les États-Unis et les pays européens ne se sont jamais engagés publiquement à enquêter sur les possibles homicides illégaux signalés (...)
Le secret absolu qui entoure le programme américain d’attaques au moyen de drones – y compris en ce qui concerne les accords conclus avec d’autres États – entraîne une absence systématique d’obligation de rendre des comptes, tant pour les États-Unis que pour leurs partenaires européens.
La sécurité nationale est utilisée comme prétexte pour échapper à toute vérification extérieure. Il est effrayant de penser que des États européens apportent une aide susceptible d’être utilisée par les États-Unis pour prendre des décisions de vie ou de mort sans aucune surveillance ou presque.
DES FRAPPES AÉRIENNES ILLÉGALES (...)
LES RÉPONSES DES GOUVERNEMENTS CONCERNÉS
Nous avons envoyé un résumé de ses conclusions et de ses recommandations aux autorités du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Italie. À l’heure de la publication de ce rapport, seuls les gouvernements néerlandais et allemand ont répondu.
Les Pays-Bas ont affirmé qu’ils ne coopéraient pas avec des homicides ciblés illégaux. Ils ont aussi déclaré que le ministre de la Défense avait adopté et mis en œuvre une série de recommandations formulées par la Commission de surveillance des services de renseignement et de sécurité à propos des garanties destinées à éviter la fourniture de renseignements qui pourraient être utilisés par d’autres États dans le cadre d’un recours illégal à la force.
Cependant, cette réponse a confirmé que les Pays-Bas n’avaient pas de ligne de conduite spécifique concernant l’aide apportée aux opérations meurtrières des États-Unis, dont le programme d’attaques par drones.
Le ministère allemand des Affaires étrangères a répondu que, en ce qui concerne les questions sur les services de renseignement, il ne pouvait donner des informations qu’aux commissions de contrôle parlementaires concernées, dont les communications sont secrètes.