
Cordiste pendant trois ans, Eric Louis a assisté, en juin 2017, à la mort de Quentin Zaraoui-Bruat, enseveli dans un silo de sucre à Bazancourt – accident auquel Basta ! a consacré une enquête. Alors que s’ouvre à Reims le procès de l’affaire, nous publions un extrait du dernier livre d’Eric Louis, Chroniques sur corde. Un récit édifiant de ce métier dangereux.
Quand on a enfoui les déchets qui sont enfouissables, recyclé ceux qui sont recyclables, exporté ceux qui sont exportables, il reste les déchets dits ultimes. Par exemple, les huiles minérales ou de synthèse, les graisses, les solvants... Tout ça est incinéré dans un four. Vu de l’extérieur, un four d’incinération est un grand tube d’acier, de vingt‐cinq mètres de hauteur, sur un diamètre de dix à douze mètres.
Encrassé comme un conduit de cheminée, puissance mille
Autour, une organisation de plates‐formes, de passerelles, d’escaliers en acier galvanisé permet d’y accéder. Un univers de poutrelles, de cornières métalliques soutient le tout. Étourdissant ballet de lignes d’acier qui se rejoignent et se croisent en une géométrie apparemment aléatoire, mais toutefois savamment calculée. La nature des produits brûlés, ainsi que les volumes traités, entraînent un encrassement rapide et substantiel des parois, c’est ce que l’on appelle la calamine. Un peu comme dans le conduit d’une cheminée. Mais puissance mille.
Si à la maison un petit ramonage annuel suffit, ici la fréquence est tout autre, et l’entreprise un peu plus conséquente. Alors, tous les trois ou quatre mois, le service de maintenance de l’usine fait appel à des petits ramoneurs, après avoir éteint le four... bien sûr. Lorsque nous arrivons tout là‐haut, les trappes latérales d’accès sont encore fermées. Mauvais signe. Surprise, derrière les petites portes, une paroi de briques réfractaires bloquent l’accès à l’intérieur du four. Sinon, le bâti extérieur en acier finirait par fondre sous l’effet de la formidable chaleur émise par les buses, sortes de chalumeaux surpuissants.
« Déjà, je ressens à travers les gants la chaleur résiduelle. Ça brûle vraiment » (...)