
Depuis 1901, la liberté d’association constitue l’un des piliers essentiels de notre pacte républicain. Après vingt années de débats parlementaires, menés notamment par Waldeck-Rousseau, les députés de la IIIe République ont défini un cadre législatif instaurant une relation de confiance entre les autorités publiques et les citoyens décidant de s’organiser librement en association afin de poursuivre collectivement un but commun, un “objet”, tantôt politique, culturel, sportif ou tout cela à la fois.
Cette liberté d’association s’adossait aux autres grandes libertés républicaines concédées à cette époque : la liberté d’expression, d’opinion, de réunion et de manifestation également protégées par notre Constitution.
C’est précisément ce cadre qui a été abîmé lors de la dernière législature, dans un contexte de prolifération de lois liberticides affirmant une tendance autoritaire et sécuritaire. Le sens des relations entre associations et pouvoirs publics a été profondément inversé : dorénavant la défiance domine. À l’heure où les immenses défis écologiques et sociaux demandent l’engagement de toutes les forces citoyennes, cette situation nous semble extrêmement délétère et l’une des tâches les plus urgentes est d’y remédier.
Expression récente et symptomatique de cette nouvelle culture de la défiance, la loi “confortant le respect des principes de la République” d’août 2021, et tout particulièrement le contrat d’engagement républicain, ont concentré toutes les critiques :
celles des organismes indépendants comme le Haut conseil à la vie associative, la Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) ;
celles du monde associatif dans sa vaste majorité et toute sa diversité (voir notamment cette prise de position collective de la Coalition pour les libertés associatives) ;
celles des partis politiques de gauche qui, sans ambiguïté, se sont clairement prononcés pour son abrogation lors des dernières échéances électorales (voir le document du Mouvement associatif qui en atteste).
Les critiques contre le contrat d’engagement républicain, dans le cadre du débat parlementaire, n’auront reçu aucune forme d’écoute sérieuse de la part du ministère de l’Intérieur qui pilotait à la fois la rédaction de la loi et les votes d’une majorité aux ordres. Osons le dire, cette loi constitue un camouflet terrible pour nos organisations rompues au plaidoyer parlementaire car, malgré nos efforts conjoints, nous n’avons pas réussi à infléchir un texte touchant au cœur les libertés associatives.
Le paravent usé de cette loi anti-association a été la lutte contre les séparatismes et la menace du terrorisme islamiste. Résultat ? Au nom de cette loi, l’association départementale du Planning familial participant à la défense des droits des femmes, a été interdite de manifestation publique à Chalon-sur-Saône car l’édile de la ville, Gilles Platret, s’offusquait d’une affiche où apparaissait, parmi d’autres, la silhouette d’une femme portant un foulard… Il aura fallu saisir un juge pour faire casser cette décision abusive, détournant l’énergie et les fonds de l’association de sa mission d’intérêt général.
Les entraves à l’action associative sont multiples et répandues, comme en a fait la démonstration l’Observatoire des libertés associatives. La plus grave est la dissolution administrative d’une association, une pratique facilité par les nouvelles dispositions législatives et qui se banalise dangereusement sous la férule de G. Darmanin. Cette “loi séparatisme” est ainsi venue mettre un voile de légalité sur l’arbitraire et les atteintes aux libertés associatives dans leur ensemble. (...)