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Affaire Hanouna-Boyard : “On n’est pas loin d’une forme de totalitarisme populaire”
#Hanouna #Bolloré #TPMP
Article mis en ligne le 15 novembre 2022
dernière modification le 14 novembre 2022

(...) Après les insultes jeudi, dans “Touche pas à mon poste !”, de Cyril Hanouna contre le député Louis Boyard – qui a annoncé ce lundi son intention de porter plainte –, Stéphane Encel, auteur d’un ouvrage nourri sur ses émissions, décrypte la polémique et les effets délétères de sa politique-spectacle.

Enseignant et docteur en histoire des religions, Stéphane Encel a été un téléspectateur minutieux des émissions de Cyril Hanouna. Son ouvrage critique Ce n’est pas que d’la télé ! Ce que le système Hanouna dit de la France, paru il y a un an (éd. David Reinharc), va être réédité en version augmentée. Pour lui, l’animateur de C8 – sous le feu des critiques après avoir insulté jeudi soir le député Louis Boyard (LFI), qui venait de dénoncer l’action en Afrique du propriétaire de la chaîne, Vincent Bolloré – « s’est rendu incontournable parce qu’on l’a rendu incontournable ». (...)

À force de ne pas traiter globalement Cyril Hanouna, on a considéré ses sorties comme des dérapages, des clashs, des polémiques. Alors que cela correspond à un vrai système, depuis l’arrivée de Vincent Bolloré [à la tête du groupe Canal+, propriétaire de C8, ndlr] et le début des prétentions de Cyril Hanouna de s’emparer de tous les sujets de société. À l’origine, son émission traitait des médias. Il en est venu à tout couvrir selon un principe : rien de ce qui intéresse les réseaux sociaux ne m’est étranger.

Considérez-vous qu’un pas a été franchi ?

Comme enfant de la télé, j’ai vu des choses subversives à l’écran – Laurent Baffie demander à des politiques si être député les aidait à draguer, Thierry Ardisson lançant à Michel Rocard : « Sucer, c’est tromper ? »… Aujourd’hui, c’est la première fois qu’on insulte un député de la République. Et il y a quelque chose de l’ordre du symptôme d’une société, et de l’aboutissement. À force de décrédibiliser les politiques, on les prend à partie au nom du peuple triomphant. Cyril Hanouna se dit légitime parce qu’il pense que les Français sont derrière lui. Mais il considère les Français uniquement par le prisme des réseaux sociaux, eux-mêmes dictés par des algorithmes. Il se permet d’insulter un député parce qu’il se croit légitime au nom du peuple. Mais il se trompe. La démocratie, c’est d’éveiller les consciences des citoyens. Cyril Hanouna abêtit. Je pense toujours à 1793, quand la Constitution incluait le droit à l’insurrection. Les citoyens pouvaient récupérer le pouvoir par la force quand les politiques ne respectaient pas leurs charges. C’est l’état d’esprit de Cyril Hanouna : à partir du moment où il se targue de porter ce qu’il pense être l’avis du peuple, on n’est pas loin d’une forme de totalitarisme populaire. (...)

On a vu Hanouna téléphoner en direct à Emmanuel Macron ou Jean-Michel Blanquer, et recevoir Élisabeth Borne, Gérald Darmanin, Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Jean-Luc Mélenchon… Quelle responsabilité ont les politiques dans la place qu’il a acquise dans le PAF ?

Cyril Hanouna s’est rendu incontournable parce qu’on l’a rendu incontournable. Jean-Luc Mélenchon a été le premier invité politique dans Touche pas à mon poste ! en 2013, et il est revenu plusieurs fois depuis. Marlène Schiappa avait déclaré que c’était à lui d’arbitrer le débat présidentiel d’entre-deux-tours. L’éditorialiste Christophe Barbier lui a écrit un livre et ouvert les portes d’une maison d’édition comme Fayard. Les candidats à la présidentielle ont défilé dans son émission Face à Baba. Comment s’en sortir ? Les critiques alimentent le système Hanouna. Plus elles émanent de personnes influentes, plus ça le crédibilise, et plus ça clive la société. Quand les politiques s’abaissent à lui répondre, cela alimente la machine et c’est bon pour l’audience.

“Tout n’est pas acceptable pour toucher un public jeune. Cyril Hanouna et son système représentent un danger pour la démocratie.” (...)

Votre livre va être réédité dans quelques mois. Il y a un an, vous aviez du mal à trouver un éditeur…
Plusieurs éditeurs ne voulaient pas de mon livre, ils me disaient ne pas vouloir se mettre mal avec Vincent Bolloré. D’autres m’ont indiqué ne pas vouloir abîmer leur crédibilité en publiant un ouvrage sur l’animateur. Je vais rééditer une version augmentée du livre, avec les nouveaux exemples depuis un an. Mais en réalité, rien de neuf sous le soleil ! Qu’en dix ans d’émissions il n’y ait qu’un seul livre sur Hanouna qui soit sorti est symptomatique. L’ignorer ou l’invectiver ne sont pas de bonnes méthodes pour le combattre. Il faut analyser, décrypter, pour que les gens regardent en connaissance de cause, et que les politiques sachent qu’ils porteront une responsabilité en participant à ses émissions. (...)

Chez lui, tous les avis se valent. Cela banalise les paroles extrémistes et complotistes. Il vient d’embaucher Jean-Marie Bigard comme chroniqueur : qui se souvient que celui-ci avait nié les attentats du 11 septembre 2001 ?

« Ce n’est pas que d’la télé ! Ce que le système Hanouna dit de la France », disponible sur commande aux éditions David Reinharc, 150 p., 19,90 €.