
Après les controverses politiques, la polémique sur les cabinets de conseil prend une tournure judiciaire. Le Parquet national financier (PNF) a annoncé mercredi 6 avril l’ouverture d’une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, déclenchée par le récent rapport du Sénat sur les cabinets de conseil, publié le 17 mars.
Si le PNF n’a pas détaillé les contours de son enquête, ni les suspects visés, le motif invoqué laisse supposer que les investigations portent sur les pratiques fiscales de McKinsey. Le Sénat avait en effet révélé dans son rapport que le cabinet américain n’avait pas payé d’impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020, alors qu’il réalise en France un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros (329 millions en 2020). Un miracle rendu possible par un mécanisme d’optimisation fiscale dit de « prix de transfert », classique pour les multinationales, et dont le caractère légal ou frauduleux est toujours difficile à établir.
A la suite de ces révélations, l’administration fiscale avait été pointée du doigt pour sa passivité. C’est en effet en récupérant à Bercy des documents relatifs à la situation fiscale des filiales françaises de McKinsey que la commission d’enquête du Sénat a pu établir que le cabinet américain n’avait pas payé d’impôt sur les sociétés pendant au moins une décennie, sans jamais subir de contrôle fiscal. Ce n’est qu’en novembre 2021 que Bercy aurait lancé formellement des vérifications, juste avant que les sénateurs lancent leurs travaux. (...)
Lire aussi :
Dans une tribune publiée par Le Monde, le président de l’association donne des pistes pour clarifier l’utilisation des cabinets de conseil par l’Etat.
Véritable caillou dans la chaussure du candidat-président Emmanuel Macron, l’affaire McKinsey et plus largement de l’usage fait des cabinets de conseil par l’Etat, n’en finit pas de faire des vagues. Mais pour Transparency International, une des principales organisations de la société civile de lutte contre la corruption, il n’y a pas de scandale mais plutôt de mauvaises habitudes à revoir. (...)
Transparence
"Les prestations de conseil répondent à des appels d’offres lancés par l’Etat, et se concentrent sur le régime particulier des accords-cadres à bons de commande. Or, ces contrats, très généraux, ne permettent pas de distinguer quelles sont les prestations demandées et exécutées. Comme souvent dans le domaine des marchés publics, des informations existent (...) mais celles-ci ne sont ni consolidées ni centralisées, ce qui rend leur compréhension difficile. Il est donc essentiel de faire la publicité sur les bons de commande des accords-cadres de conseil, et de consolider les informations sur ces marchés publics pour les rendre le plus accessibles possible, comme le recommande la commission d’enquête", explique le responsable.
"Le manque de traçabilité induit également un risque de confusion entre conseil technique légitime et lobbying opaque" poursuit Patrick Lefas.
"Pour s’assurer que les recommandations des cabinets de conseil répondent seulement au besoin émis par l’acheteur public et ne visent pas une modification législative ou réglementaire, il faut assurer la traçabilité des prestations des cabinets de conseil et la communicabilité de leurs rapports via la Commission d’accès aux documents administratifs, comme le recommande la commission" poursuit-il.
En finir avec les prestations bénévoles