Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
CCFD-Terre solidaire
Afrique du sud : l’enjeu vital de la redistribution des terres
Article mis en ligne le 9 novembre 2018

En attendant les fruits d’une réforme agraire complète qui verrait des propriétaires expropriés sans compensation, les terres communales sont au cœur du combat pour une meilleure répartition des richesses foncières. Dans la région du Cap, deux partenaires du CCFD-Terre Solidaire se battent aux côtés des communautés.

Bidonville dans la région du Cap en Afrique du Sud © Claude Huré/CCFD-Terre Solidaire

« Dans les régions qui appartiennent historiquement à l’Afrique du Sud blanche, c’est-à-dire partout en dehors des anciens bantoustans, les terres communales représentent pour l’instant le seul moyen de cultiver un potager ou d’élever un peu de bétail », explique Mercia Andrews, directrice du Trust for Community Outreach and Education (TCOE), partenaire du CCFD-Terre Solidaire [1]. Ce collectif composé de six formations régionales, dont le siège est basé au Cap, a poursuivi en justice nombre de communes qui préfèrent louer leurs terres à des fermiers blancs, déjà propriétaires de vastes étendues. À Stellenbosch, l’un des bastions de la minorité blanche, la ville passe ainsi des baux emphytéotiques de 99 ans [2]. Ces contrats apparaissent d’autant plus injustes aux populations noires et métisses que des arrêtés d’expulsion visent les plus pauvres qui occupent des terres communales non utilisées. Les municipalités veulent les récupérer, le plus souvent, pour y construire de nouveaux logements. (...)

Les femmes en première ligne de la lutte
« En décembre 2017, raconte Lucille Rothquel, l’eau a été coupée, non pas à cause de la sécheresse qui sévit dans la région, mais en raison de l’ordre d’expulsion. » Cette mère de famille métisse fait partie des femmes qui mènent la lutte à Ithemba. Elle a grandi et a été scolarisée en ville, avant de rejoindre son mari, qui croyait à son avenir de fermier sur ce site. Elle ne cesse de se battre, aux côtés du Surplus People Project (SPP, partenaire du CCFD-Terre Solidaire), pour ce qui est devenu « sa » communauté. En mars, elle a téléphoné à la ville pour que l’eau soit rétablie :

« Les éleveurs ici n’ont plus d’eau pour leur bétail. Ils doivent se rendre aux robinets publics installés sur la route principale et remplir des bouteilles, deux litres par deux litres. Ils n’ont pas de bidon, ni de jerrican. C’est vous dire à quel point ils sont pauvres. »

L’écrasante majorité des ménages du township d’Ithemba n’a pas de travail. La plupart d’entre eux viennent de la ville du Cap, d’où ils ont été expulsés, faute de pouvoir payer leurs loyers. (...)

Alcoolisme, drogue, violence domestique, criminalité... outre les problèmes sociaux qui minent la communauté, celle-ci reste divisée, malgré son organisation en comités et le soutien du SPP, l’une des rares organisations à se soucier du sort de ces habitants. (...)

De nombreux résidents finissent par partir à cause du manque d’eau. Mais les autres sont déterminés à rester, quitte à « occuper » le site, ce qu’ils font en réalité depuis 2008, au quotidien. Un acte de défiance qui fait écho aux années de lutte vécues par les plus âgés durant l’apartheid (1948-1991). « Nous n’irons nulle part, martèle ainsi Jackie Cox, femme métisse et secrétaire du Progressive Farmers Association (PFA) à Ithemba. La province doit nous trouver un terrain alternatif. Nous connaissons nos droits. Les droits à l’eau et au logement sont inscrits dans la Constitution. » Ils ont rejeté la proposition que leur avait fait la province : un terrain deux fois plus petit qu’il fallait en outre partager avec une autre communauté. « Le problème est politique, estime Jackie Cox, et tout le monde est responsable. Le gouvernement blâme la province, qui blâme le gouvernement. C’est sans issue. »