
Atteindre 20% des terres agricoles françaises en bio en 2020 : tel était l’objectif fixé il y a presque dix ans. On en est encore très loin ! Le nombre de fermes bio augmente moins vite que la demande de produits sans pesticides. Que font les régions en la matière, alors qu’elles disposent de plusieurs budgets accordés par l’Europe et sa politique agricole commune ? L’agriculture bio se porte bien dans le sud de la France mais demeure très marginale dans le nord et le centre. Même si elle crée plus d’emplois que l’agriculture industrielle et polluante, elle est loin d’être autant soutenue, alors que l’austérité menace. Explications et cartographie.
En France, à peine 5% de la surface agricole sont cultivés selon le cahier des charges de l’agriculture biologique, qui proscrit notamment l’usage de pesticides. L’objectif, fixé en 2009, d’atteindre 6% de surface en bio en 2012 n’a donc pas été respecté. Quant à celui de parvenir à 20% des terres agricoles en bio d’ici quatre ans, il est désormais quasi inatteignable et marquera un échec supplémentaire du gouvernement.
Cette moyenne nationale cache pourtant d’importantes disparités entre régions (...)
Dans le Nord de la France, l’agriculture bio peine à se faire une place face à l’agriculture intensive solidement installée. Les industriels y ont trouvé des terres d’excellente qualité et un relief peu accidenté favorisant l’aménagement des immenses champs qu’elle affectionne. La proximité de Paris et de Lille, facilitant la commercialisation, a aussi joué en faveur du développement de l’agriculture intensive. « Ces différents atouts pourraient aussi jouer en faveur de l’agriculture bio, estime Jean-Baptiste Pertriaux, de Bio-Picardie. Mais un autre facteur est à prendre en compte : la difficulté d’accès au foncier pour les jeunes agriculteurs qui veulent s’installer en bio. » Dans le Nord, après cinq ans de recherche, 80% des porteurs de projets en recherche de terres n’y ont toujours pas accès (Lire l’article de la Revue dessinée sur le sujet) ! Pourtant, les exécutifs régionaux ont mis en place des incitations à l’installation en bio, mais il n’y a pas suffisamment de terres...
« Quand la bio se développe, c’est aussi grâce aux acteurs économiques locaux, indique Frédéric Mony, du groupement d’agriculteurs bio de Lorraine, où la bio s’étend sur seulement 3,4% du territoire. (...)
Certaines régions choisissent de limiter les aides
Depuis 2010, les régions gèrent directement une partie des aides de la politique agricole commune (PAC) dédiées au « développement rural ». « Ces aides, qui visent à compenser les surcoûts et manques à gagner liés aux pratiques biologiques, se déclinent en deux volets, explique Clara Gasser, de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) : aide à la conversion et aide au maintien. Elles sont accordées pour une durée de cinq ans. » Pour pouvoir répondre aux besoins du plus grand nombre d’agriculteurs, certaines régions ont choisi de plafonner ces aides.
Ailleurs, pour le versement des aides au maintien, on priorise certains secteurs. En région Paca par exemple, les aides au maintien sont destinées aux agriculteurs bio proches des captages d’eau potable, sur une nappe phréatique par exemple, afin de limiter leur contamination par des pesticides. « En Aquitaine, elles sont prioritairement versées aux agriculteurs 100% bio ou encore fléchées prioritairement pour les maraîchers ou producteurs de légumes de plain champ en Basse-Normandie » (...)
L’agriculture polluante soutenue ad vitam æternam, pas la bio
Autre entrave au soutien financier du bio : la limitation à cinq ans du versement des aides au maintien dans plusieurs régions. « On s’est entendu dire que la région ne voulait pas d’une agriculture bio subventionnée ad vitam æternam », sourit Frédéric Mony, du groupement des agriculteurs bios de Lorraine. Alors que l’agriculture intensive et polluante est sous perfusion depuis des décennies ! (...)
« Ce sont des choix politiques, estime Frédéric Mony. Les fonds PAC gérés par la région sont dotés par l’État, à hauteur de 25%, et par l’Europe à hauteur de 75%. Mais rien n’empêche les conseils régionaux de ponctionner leurs fonds propres pour les renforcer. » Pour le moment, aucune région française n’a fait ce choix. Les seuls fonds propres versés directement aux agriculteurs bios sont les aides au financement de leur certification. C’est-à-dire le paiement annuel de l’organisme privé – Ecocert, Veritas, qualité France... – qui viendra contrôler que le cahier des charges de l’agriculture biologique est bien respecté.
On trouve aussi des financements « d’appuis techniques » : des techniciens spécialisés en élevage, en grandes cultures ou en maraîchage, se déplacent sur les fermes où ils aident les agriculteurs à comprendre l’invasion de prédateurs ou l’arrivée de maladies. (...)
Une agriculture créatrice d’emplois mais peu soutenue (...)