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Aider les élèves en difficulté : mission de plus en plus difficile pour profs de plus en plus dévalorisés
Article mis en ligne le 30 octobre 2016
dernière modification le 26 octobre 2016

Les classes Segpa accueillent près de 100 000 élèves en difficulté scolaire. Leurs professeurs tentent de leur redonner confiance grâce à un enseignement adapté, et les accompagnent vers la construction d’un projet professionnel. Mais face à un manque de moyens, à la faiblesse de la formation des enseignants et à la rigidité de l’administration, ces missions sont rendues de plus en plus difficiles. Rencontre avec deux professeurs d’un collège du Lot.

« Nous sommes parfois les seuls adultes à dire bonjour le matin à ces élèves », confie Edmond Kober. Depuis 30 ans, il enseigne au collège Jean Lurçat, à Saint-Céré (3500 habitants) dans le Lot. Il est professeur de « Segpa », l’un des multiples acronymes de l’Éducation nationale, qui signifie « Section d’enseignement général et professionnel adapté ». Comprenez : des classes vers lesquelles sont orientés des élèves en échec scolaire pour cause de difficultés familiales, sociales, parfois psychologiques, ou de handicap. Dès la sixième et à n’importe quel niveau du collège, les enfants en difficulté peuvent intégrer ces classes, qui leur permettent de suivre un enseignement en petits groupes – 16 élèves maximum en théorie – et de préparer plus tard à un diplôme professionnel. Ils ont aussi moins d’enseignants, ce qui leur offre plus de stabilité. (...)

Préjugés sexistes et faible estime de soi

Les enseignants doivent aussi aider ces ados à affronter le regard des autres, car les élèves de Segpa sont souvent victimes de moqueries et de discriminations. Leur sentiment d’échec scolaire est renforcé par le fait d’être renvoyé à leur faiblesse ou à leur handicap. Sans compter les clichés sexistes. Si la mixité est réelle dans les classes de Segpa, force est de constater que les filles s’orientent spontanément vers l’alimentation, le service et la vente, tandis que les garçons privilégient les métiers du bâtiment. « Les filles sont pourtant très minutieuses et fournissent un excellent travail technique, observe Edmond. Mais les ados ne sont pas tendres entre eux. Une jeune fille partie en CAP Électricien du bâtiment a dû renoncer, victime sans doute de trop de vulgarité. »

Tout au long de cette première année, Sarah a dû affronter des problèmes de discipline et des situations de conflit pouvant aller jusqu’à la confrontation physique. (...)

Des enseignants au statut non reconnu

Contrairement aux autres professeurs de collège, les enseignants de Segpa – sauf les profs d’atelier – ont une formation et un statut de professeur des écoles. Ils sont donc considérés comme des enseignants du premier degré, détachés dans le second degré. Un statut bancal et dévalorisé. Ainsi, bien qu’ils assument des missions de professeur principal, comme la gestion des conflits ou le lien avec les familles, ils n’ont pas droit à la prime correspondante. Ils vont certes bénéficier de la prime que le gouvernement a promise aux professeurs des écoles, mais en contrepartie, certaines de leurs heures deviendront bénévoles (...)

Ont-ils au moins une formation adaptée aux difficultés qui les attendent face à un public spécifique ? Pas vraiment. Très théorique, la formation de professeur des écoles dans les « ESPE » (École supérieure du professorat et de l’éducation, ex-IUFM) ne prépare pas à enseigner à des ados souffrant de divers troubles de l’apprentissage et du comportement. (...)

la réforme oblige les enseignants à inclure régulièrement des élèves de Segpa dans les classes générales parfois très chargées, jusqu’à 30 élèves. Cette plus grande mixité peut favoriser l’intégration, mais Edmond reste sceptique. « Cela risque d’être contre-productif et très déstabilisant, car le groupe est structurant pour ces élèves qui ont justement besoin d’un petit groupe pour être mieux accompagnés... ». (...)