
Le 27 avril, un tribunal marocain ordonnait l’arrestation et la poursuite en justice du défenseur des droits humains Omar Naji, citant l’article 447-2 du code pénal qui punit quiconque répand de "fausses allégations ou des faits mensongers" dans le but de "porter atteinte à la vie privée ou de les diffamer" avec une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans et une amende d’un maximum de 20 000 dirhams (environ 2 000 $ US).
Comme élément de preuve, le juge de la ville de Nador, dans le nord du pays, a utilisé un commentaire de Naji sur Facebook, publié une semaine plus tôt. Celui-ci critiquait la redistribution par la police de la marchandise de vendeurs de rue à des organisations à but non lucratif. Naji, de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH), a été libéré sous caution le lendemain mais la procédure judiciaire contre lui est toujours en cours et son procès est prévu le 2 juin.
Les poursuites judiciaires contre Naji ne sont qu’un exemple des dispositions légales existantes au Maroc pour censurer et punir la liberté d’expression en ligne. Dans un futur proche, il est possible que le nombre de cas similaires augmente puisque le 19 mars, le Conseil de gouvernement marocain a adopté le projet de loi 22.20 criminalisant la notion peu claire de "fausses nouvelles", ou "fake news", avant d’annoncer le 7 mai le réexamen du texte en question.
Cette répression du droit à la liberté d’expression - en utilisant comme prétexte la diffusion de « fake news » - ne se limite pas au Maroc. En Algérie, un amendement du code pénal adopté le 22 avril, punit quiconque répand des « informations ou nouvelles, fausses ou calomnieuses » visant à « porter atteinte à la sécurité de l’État » d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et une amende pouvant atteindre les 300 000 DA (environ 2 322 $ US).
Dans son rapport annuel 2019, Amnesty International souligne qu’en Algérie et au Maroc/Sahara Occidental, les dispositions du code pénal sont souvent utilisées pour arrêter et poursuivre des personnes dont le seul tort est d’avoir exprimé librement leurs opinions en ligne. Les dernières mesures prises par les deux gouvernements pendant la crise sans précédent du COVID-19 sont extrêmement préoccupantes. (...)
Ces gouvernements pourraient également imposer de nouvelles obligations aux plateformes de réseaux sociaux, qui jouent un rôle crucial pour permettre aux individus d’accéder à des informations fiables et d’exprimer leurs opinions. (...)
Un "instance" serait chargé de sanctionner ces plateformes par des avertissements et de lourdes amendes sans plus de clarté sur l’identité, le rôle et les prérogatives de cet organe.
Bien que les États doivent veiller à ce que les entreprises que sont les plateformes des réseaux sociaux n’abusent pas du droit à la liberté d’expression, ils doivent également s’abstenir d’imposer des obligations de surveillance proactive du contenu en ligne, ou des régimes de responsabilité intermédiaire qui incitent à une censure excessive de leurs utilisateurs. (...)