
La pandémie de coronavirus isole les réfugiés homosexuels, bisexuels ou transgenres dans des centres d’accueil souvent hostiles à la communauté LGBT.
Avant la crise de coronavirus, Elceta Marsha Ennis prenait le train plusieurs fois par mois pour se rendre à Francfort.
Elle assistait à des rencontres LGBT comme celles qui se déroulent régulièrement au Café Nahal pour les migrantes et réfugiés lesbiennes. Là-bas, elle avait l’habitude de retrouver ses amis appartenant pour la plupart à la communauté d’activistes LGBT de Francfort.
Mais depuis deux mois, cette réfugiée lesbienne de 38 ans originaire de Jamaïque est bloquée à Schwalmstadt, une petite ville à deux heures au nord de Francfort. Elle y vit dans un studio qu’elle partage avec sa fille. A Schwalmstadt, dit-elle, "je suis, pour autant que je sache, la seule lesbienne".
Elceta fait partie des nombreux réfugiés LGBT en Allemagne n’ont pas pu accéder aux structures d’aide et de soutien depuis le début des mesures de confinement. "Nous avons fui des pays où nous ne pouvions nous rencontrer en public, où on ne pouvait vivre ouvertement. Pour nous, venir en Allemagne signifie la liberté, la possibilité de vivre ouvertement. Maintenant, avec la pandémie, c’est un peu comme de retourner dans ce schéma de pensée dans lequel nous étions dans nos pays d’origine, c’est à dire d’être isolés et dans l’impossibilité de socialiser."
L’homosexualité est punie dans plus de 60 pays (...)
Dans 11 pays, un rapport sexuel avec une personne du même sexe est puni par la peine de mort selon des données de l’ILGA, l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes.
Dans 57 pays, l’homosexualité est passible de prison. (...)
Trouver des lieux sûrs
Mais pour trouver de l’aide et les bons conseils en Allemagne, beaucoup de réfugiés LGBT dépendent d’organisations spécialisées.
"Dans beaucoup de cas, les réfugiés LGBT ont eu à subir de la violence et de la discrimination, beaucoup sont traumatisés, donc ils ont besoin de pouvoir en parler dans des lieux sûrs. Ils ne peuvent pas discuter de ces choses avec des personnes qui viennent du même contexte culturel qu’eux ou bien avec des étrangers dans lesquels ils n’ont pas confiance", affirme Lilith Raza, qui est originaire du Pakistan et travaille désormais pour Queer Refugees Deutschland, un projet géré par la Fédération allemande des gays et lesbiennes (LSVD)
La crise de coronavirus fait ainsi craindre un manque de soutien pour les réfugiés LGBT. "Cela a toujours été un problème de réussir à trouver la bonne organisation d’aide pour les réfugiés LGBT où vous pouvez parler de vos problèmes, qui dispose d’un traducteur dans la langue que vous parlez et qui est sensibilisée aux questions LGBT", affirme Lilith Raza
"Nous faisons actuellement face aux mêmes problèmes qu’avant la crise sanitaire, mais le virus a rendu les choses encore plus compliquées". (...)
ce qui manque cruellement à Rainbow Refugees, Aidshilfe ou d’autres organisations de soutien ce sont les rencontres en groupe, essentielles pour partager ses expériences et nouer des liens sociaux.
Amit Marcus a déjà songé à organiser des réunions en groupe sur l’application Zoom, mais pour la plupart des réfugiés avec lesquels il travaille ce n’est pas une option. "Ils ont un accès limité à internet, au wifi, donc ils sont peu enthousiastes à l’idée d’une réunion en ligne".
Dans beaucoup de centres d’accueil pour réfugiés et demandeurs d’asile les connections internet sont en effet de mauvaise qualité et les données mobiles sur smartphone sont très chères en Allemagne. Enfin, le manque d’intimité rend des échanges sur Zoom ou Skype quasi impossibles car les centres présentent souvent un environnement plutôt hostile à la communauté LGBT. (...)
Tous les réfugiés et activistes auxquels nous avons pu parler nous ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’impact de cet isolement pour les personnes LGBT vivant dans de grands centres d’accueil. (...)