
Uberisés, précarisés, exploités, et si l’avenir des livreurs à vélo passait par des coopératives. À Bordeaux, Nantes, Lille, ou Paris, des projets d’entreprises collectives ont émergé ces derniers mois, parallèlement à la lutte des coursiers contre la plateforme Deliveroo l’été dernier. D’autres projets plus anciens poursuivent leur développement sur le marché de la Foodtech ou de la livraison du dernier kilomètre.
« Le meilleur moyen pour éviter les abus de l’uberisation et s’en sortir, c’est de créer notre propre société : une coopérative. », explique Arthur Hay, coursier à vélo depuis deux ans à Bordeaux. Avec trois collègues, coursiers comme lui, ils ont créé début novembre une association de préfiguration en attendant d’avoir assez de clients pour financer les deux emplois minimums nécessaires à la création d’une Société coopérative et participative (Scop). Objectif qu’ils espèrent atteindre dans six mois. (...)
Un choix logique pour Arthur Hay qui est également secrétaire général du syndicat des coursiers à vélo CGT de la Gironde. Viré par Deliveroo à l’occasion du conflit qui a opposé la plateforme à une partie de ses livreurs l’été dernier, il n’a plus pu travailler, les autres plateformes ne voulant pas l’embaucher. Pour lui, la création d’une Scop est complémentaire de l’action syndicale pour améliorer les conditions de travail du petit millier de coursiers qui arpentent la ville. (...)
Leur but est de montrer que les coopératives peuvent gérer le marché que les plateformes ont créé. À l’opposé du modèle pyramidal des entreprises classiques, Arthur Hay et ses amis aspirent à créer une entreprise démocratique où ils sont tous propriétaires et décisionnaires. Pour cela, l’entrée dans la coopérative implique d’être coopérateurs. S’ils tendent à privilégier le statut de salarié plutôt que celui d’autoentrepreneur, ils n’en font pas une règle indépassable. Une partie non négligeable des coursiers à vélo souhaitant rester indépendants. Un des quatre futurs coopérateurs, étudiant par ailleurs, est attaché à la flexibilité de ses horaires et conservera son statut d’autoentrepreneur.
Vers une fédération de coopératives ?
Bordeaux n’est pas la seule localité à voir des livreurs tentés par l’aventure coopérative. L’envie de regrouper les initiatives fait son chemin (...)
L’Uberisation bouscule aussi le modèle coopératif
Outre les difficultés inhérentes à la diversité des niveaux de développement de chaque projet, la volonté de fédérer bute sur une équation difficile à résoudre. Celle de faire coexister l’aspiration à des protections collectives d’un côté et de l’autre la volonté individuelle d’indépendance, voire de flexibilité des horaires. Air du temps oblige, « 80 % des livreurs souhaitent garder leur statut d’autoentrepreneur », selon Florent Fournier, un des trois créateurs d’Applicolis à Toulouse. Un statut pourtant en décalage avec la philosophie du monde coopératif où le modèle est généralement celui du salarié coopérateur, propriétaire de l’entreprise.
Dans le marché en pleine expansion de la Foodtech et plus généralement celui de la livraison du dernier kilomètre, chaque structure coopérative bricole sa propre ligne de conduite.(...)
« Le problème n’est pas le statut, mais les conditions de rémunération et de stabilité. », affirme Florent Fournier d’Applicolis « Nous travaillons à une solution avec la Confédération générale des Scop pour trouver un compromis entre la flexibilité que souhaitent avoir les livreurs et le statut de salarié avec les avantages qu’il comporte ». La coopérative veut proposer une expérimentation à l’État à l’occasion des Assises de la mobilité, initiées par la ministre des Transports afin d’élaborer la loi d’orientation des mobilités début 2018. En résumé, un statut de salarié qui pourrait choisir ses horaires librement. (...)
Faire cohabiter des projets aussi divers dans une même structure fédérative sera au cœur des enjeux des prochains mois pour les coopératives des livreurs à vélo. D’autant qu’ils ne sont pas les seuls sur le marché. Alternmobil, une des entreprises phares de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans le secteur de la livraison, a tranché le débat sur le statut des travailleurs. Elle n’accepte pas d’autoentrepreneurs en son sein. (...)