
Depuis le 23 mars 2023, la nouvelle loi anglaise encadrant les OGM est entrée en application. Adoptée sur fond de mises en garde émanant notamment de commissions parlementaires, de scientifiques et d’organisations de la société civile, la loi permet à de nombreux OGM d’échapper à l’évaluation des risques et à l’étiquetage. Une déréglementation de grande ampleur qui, bien au-delà de l’agriculture, s’étend aux plantes et aux animaux.
Le 23 mars 2023, le Roi Charles III a signé la loi « Genetic Technology (Precision Breeding) » [1]. Cette signature permet l’entrée en vigueur d’un texte par lequel l’Angleterre tourne le dos à la réglementation issue de l’Union européenne, jusque-là applicable à tous les OGM. La loi, qui ne s’applique pas au Pays de Galles ni à l’Écosse ni à l’Irlande du Nord, assouplit en effet substantiellement les obligations pesant sur la commercialisation et la culture de tout un ensemble d’OGM, végétaux comme animaux (voir encadré).
Des OGM difficiles à cerner
C’est en des termes juridiquement douteux que la loi du 23 mars traduit le discours, répété depuis plusieurs années par les entreprises de biotechnologies, selon lequel les OGM issus des nouvelles techniques seraient fondamentalement différents des autres OGM. Plus précis, plus sûrs, non distinguables de ce que la nature produit, etc. Autant d’assertions scientifiquement fausses qui viennent appuyer la nécessité de déréglementer ces OGM.
C’est ainsi que la loi crée une nouvelle catégorie juridique d’OGM qui bénéficie d’un régime juridique allégé. Ces OGM sont désignés par l’expression « organismes issus de sélection de précision » (« precision bred organisms »), une expression qu’une centaine de scientifiques internationaux a dénoncé comme étant imprécise, scientifiquement fausse et de nature à induire en erreur [2] et que plusieurs parlementaires d’opposition ont qualifié de « slogan commercial » [3].
D’un point de vue juridique, l’expression pose également question car sa définition est très imprécise. (...)
Paradoxalement, la définition expose aussi le caractère mensonger du discours défendu par le Gouvernement britannique. La loi repose sur le présupposé que les « organismes issus de sélection de précision » seraient fondamentalement différents des OGM, car identiques à ce que des procédés de sélection traditionnels permettraient d’obtenir ou la nature de créer. Selon la loi, un organisme est issu de sélection de précision si « chaque caractéristique de son génome qui résulte de l’application de la biotechnologie moderne aurait pu résulter de procédés traditionnels ». Or, par biotechnologie moderne, la loi du 23 mars 2023 entend les techniques de transgenèse et de cisgénèse, soit des techniques avec lesquelles sont obtenus les « OGM 1.0 »… ! (...)
Quoiqu’il en soit, une définition aussi floue rend difficile de déterminer précisément le champ d’application de la nouvelle loi. Cela est particulièrement problématique compte tenu des faibles obligations qu’elle impose.
Des garanties largement insuffisantes (...)
Pour la commercialisation (y compris la culture à des fins commerciales), l’encadrement est plus strict, à première vue seulement. (...)
Surtout, la loi ne prévoit aucune obligation d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux, ni de traçabilité et d’étiquetage. Ces OGM passeront donc a priori inaperçus dans la chaîne alimentaire, ce qui suscite notamment l’inquiétude du secteur de l’agriculture biologique [6].
L’évaluation des risques est imposée directement par la loi dans deux cas seulement. Le premier concerne la commercialisation des animaux génétiquement modifiés. (...)
Le second cas concerne l’importation des OGM : la loi impose alors une évaluation préalable des risques environnementaux.
Côté consommateurs, ce n’est guère mieux. Selon plusieurs sondages, près de 77 % des consommateurs souhaitent que les OGM, y compris ceux dits « organismes issus de sélection de précision » soient étiquetés (...)
Le travail n’est pas fini
À cause des très nombreux renvois à des mesures réglementaires à venir, il est difficile d’anticiper l’ensemble des conséquences qu’aura la nouvelle loi. Tout l’enjeu porte donc désormais sur le contenu des futurs règlements. Les associations anti-OGM, telles que GM Freeze ou Beyond GM, prévoient de faire pression pour persuader le Gouvernement de faire en sorte que tous les aliments produits avec des ingrédients génétiquement modifiés, y compris ceux « issus de sélection de précision », soient clairement étiquetés en tant que tels.
Lors de la discussion du projet de loi devant la Chambre basse du Parlement, George Eustice, alors ministre de l’Environnement, affirmait toutefois que « nous n’avons pas l’intention, à l’heure actuelle, d’imposer une obligation d’étiquetage spécifique aux denrées alimentaires [produits à partir des « organismes issus de sélection de précision »], parce qu’un pain peut contenir certaines de ces cultures et d’autres produites par d’autres techniques » [9].
« Un seul bénéficiaire : l’industrie biotechnologique » (...)