
Depuis 18 ans, l’association Anticor s’est imposée comme l’acteur principal de la lutte anticorruption. Elle est sur tous les fronts : l’affaire de l’ancien PDG de Radio France Mathieu Gallet, qui vient d’être condamné en appel pour favoritisme, l’enquête sur les Mutuelles de Bretagne, qui a valu à Richard Ferrand une mise en examen et son portefeuille de ministre ; la saisine de la Cour de justice de la République concernant Éric Dupond-Moretti ; l’affaire Alstom, les milliards du Grand Paris, les fraudes aux subventions agricoles en Corse, Sarkozy, Buisson, Benalla… (voir la liste des affaires) ou encore l’enquête sur les manquements du maire de Pourrières, dans le Var, après le décès de deux jeunes filles lors de l’accident d’une navette scolaire… (...)
Inutile de dire combien cette association empoisonne le panthéon de la politique en s’appliquant à combattre un mal bien implanté en France : la corruption. Un mal qui, selon une étude du parlement européen, coûte 120 milliards d’euros par an aux contribuables que nous sommes, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale, et qui mine la confiance dans les institutions (3 Français sur 4 estiment la société politique « plutôt » corrompue).
Le fait de profiter de sa fonction pour obtenir un avantage personnel, quel qu’il soit, est un acte de corruption. Ce délit (et son avatar le trafic d’influence) est donc lié au pouvoir
Mais pour qu’une association puisse ester en justice, il faut qu’elle ait intérêt à agir, et en matière de corruption ou autres délits proches, qu’elle obtienne un agrément ministériel. (...)
Ce qui se traduit par une décision ministérielle renouvelable tous les trois ans.
Il faut donc l’accord du pouvoir exécutif pour lutter contre la corruption.
« L’action associative devant les juridictions traduit de façon modeste la possibilité d’un autre rapport au pouvoir. Elle a permis à une citoyenneté vigilante d’entrer dans les prétoires », dit Éric Alt. Il sait de quoi il parle puisqu’il assume à la fois son rôle de vice-président de l’association et ses fonctions de magistrat (ce qui lui a valu de faire l’objet d’une enquête interne). Mais les associations sont poil à gratter et il y a une volonté constante de mieux les contrôler. Ainsi le projet de loi sur le respect des principes de la République va dans le sens d’une plus grande souplesse dans la dissolution d’une association – le droit associatif étant pourtant, il faut le rappeler, l’un des fondements de notre République.
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Cela fait maintenant six mois qu’Anticor attend le renouvellement de son agrément dont l’instruction est menée par les services du ministère de la Justice, mais, en raison de la plainte visant le garde des Sceaux, c’est au Premier ministre à qui il revient de prendre la décision. Où sont mes lunettes, doit se dire Castex…
La décision du chef du pouvoir exécutif va donc influer sur l’avenir de certains de ses collègues. En effet, en cas de refus d’agrément, la validité des enquêtes actuellement à l’instruction à la seule demande d’Anticor risquerait de s’arrêter nette, puisque l’association n’aurait plus qualité pour agir.
Cela ressemblerait comme deux gouttes d’eau à une amnistie gouvernementale. Une première en démocratie.
On ne veut pas le croire… Pas en France ! Pourtant, ces dernières années, certains élus, à défaut d’autoflagellation, pratiquent à l’envie l’autoprotection, avec parfois des effets boomerang.
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Anticor est une association apolitique qui n’accepte ni subvention publique ni don d’entreprises. Elle vit des cotisations de ses 5000 adhérents (dont moi) et des dons de personnes privées. Au-delà des dossiers nationaux très médiatisés, 92 groupes locaux couvrent la plupart des départements et territoires de métropole et d’outre-mer, traçant la malversation même locale, comme c’est parfois le cas dans les décisions d’urbanisme, pour mieux saisir les juges.
Place vendôme, on traîne les pieds. Et ça commence à se voir.
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Le Premier ministre devrait se prononcer la semaine prochaine sur le renouvellement ou non de l’agrément d’Anticor. Mais plutôt que de tuer le médecin, ne serait-il pas préférable de s’en prendre à la maladie et de tout faire pour récupérer le butin colossal de la corruption ! (...)