
Au mois de février, de nombreux médias se sont inquiétés de l’augmentation, en 2018, du nombre d’actes antisémites. Comme nous l’avons évoqué dans un précédent article, les principaux chefs d’orchestre du débat médiatique n’ont pas manqué l’occasion de multiplier les amalgames sur l’antisémitisme : avec le mouvement des gilets jaunes, bien sûr, mais aussi avec « l’extrême-gauche », ou encore « l’islamo-gauchisme » – sans qu’on sache jamais ce que ce poncif politico-journalistique pouvait bien recouvrir. Retour, en images, sur deux semaines d’agitation médiatique.
À partir du 10 février, les portraits de Simone Veil recouverts de croix gammées, ou encore la vitrine du Bagelstein taguée de l’inscription « Juden » ont été massivement diffusés sur les écrans de BFM-TV. Ces actes antisémites ont servi à illustrer des émissions entières consacrées aux violences des gilets jaunes, et aux « dérives » du mouvement. Problème élémentaire d’un point de vue journalistique, qui ne dérange visiblement personne sur les plateaux : aucun journaliste, ni aucun éditorialiste n’était alors en mesure d’apporter le moindre élément concret quant aux auteurs des actes antisémites en question… (...)
Et puis est survenue l’agression d’Alain Finkielkraut. Le philosophe médiatique, interviewé par Apolline de Malherbe, pointe quant à lui un autre « coupable » de l’antisémitisme, qui serait un mystérieux « racisme anti-raciste ». Ces propos vont alimenter un autre type d’amalgame : les responsables de l’antisémitisme seraient à chercher à l’extrême-gauche, du côté des « islamo-gauchistes ». Et ce d’autant plus que l’extrême-droite serait, quant à elle, devenue respectable en matière d’antisémitisme... Si l’on en croit le satisfecit d’Alain Finkielkraut à Marine Le Pen, la première selon lui à avoir dénoncé l’agression qu’il a subie. (...)
L’immédiateté des chaînes d’information ne doit pas nous faire oublier que, mises bout à bout, les « questions qui se posent » dans les grands médias, en compagnie des mêmes éditorialistes, entretiennent en effet un climat raciste, dans lequel baignent déjà depuis de longues années de nombreux hebdomadaires français (...)
Le rappeler nous ferait-il intégrer les rangs de l’« islamo-gauchisme » [3], ou encore du « racisme antiraciste » que dénonce Alain Finkielkraut ? Au vu de la séquence d’agitation médiatique dont nous avons rendu compte, il semble que les « vrais fauteurs de haine » ne soient pas tant à chercher parmi les gilets jaunes ou « l’extrême-gauche »... mais plutôt sur les plateaux télévisés et dans les colonnes de certains journaux.