
Le 18 mai 2016 à Paris, en marge d’une manifestation contre les violences policières, une voiture de police est incendiée avec deux agents à l’intérieur qui seront légèrement blessés. Quatre jeunes gens, dont Antonin Bernanos, 21 ans et son frère cadet Angel, 18 ans, tout deux étudiants, sont arrêtés. S’ils reconnaissent leur présence sur les lieux, ils contestent fermement avoir pris part aux violences. Suite à leurs gardes à vue, ils sont envoyés à la maison d’arrêt de Villepinte pour l’un, à Fleury-Mérogis pour l’autre. Angel sera incarcéré 42 jours. Antonin est, depuis 9 mois, toujours enfermé, en attente de son procès. Le site Prison Insider a recueilli son témoignage. Le premier d’une série.
De sa cellule, Antonin accepte de témoigner des conditions de son arrestation et de celles de sa détention. À travers une série de textes, il raconte son calvaire. L’ennui, le bruit, l’attente, l’angoisse, la solitude, la frustration, la survie, la prison de l’intérieur. De l’autre côté du mur, sa mère Geneviève, son frère Angel, ses amis, ses proches acceptent aussi de raconter comment l’incarcération d’Antonin les a tous emprisonnés. Comment la vie, à l’extérieur de la maison d’arrêt, s’est d’abord figée d’effroi avant de se caler sur le rythme des parloirs et des rendez-vous judiciaires. Comment tous vivent en prison.
« Ecrire du fond d’une cellule de 9 mètres carrés »
Il est difficile d’écrire sur sa vie, et sur des moments aussi douloureux, d’autant plus quand on le fait du fond d’une cellule de 9 mètres carrés, assis en tailleur sur un lit, avec pour seul support un plateau repas. J’ai souhaité commencer à écrire sur ma seconde incarcération.
En effet, dans l’affaire pour laquelle je suis actuellement placé en détention provisoire depuis bientôt 9 mois, j’ai été incarcéré à deux reprises. Une première fois à la maison d’arrêt de Villepinte, après 48 heures de garde à vue et 24 heures au dépôt au tribunal de grande instance de Paris. Nous étions alors quatre jeunes de 18 à 30 ans mis en examen dans le cadre d’une procédure criminelle.
La juge d’instruction en charge de notre dossier avait demandé le placement en détention provisoire pour le plus âgé d’entre nous et pour moi-même, alors âgé de 21 ans, et un placement sous contrôle judiciaire – soit une liberté "encadrée" - pour les deux autres, dont mon petit frère de 18 ans, Angel.
Au vu de la situation assez critique, pour nous qui n’étions jamais allés en prison, et qui ne nous étions jamais réellement préparés à cette éventualité, nos avocats respectifs s’étaient concertés et avaient demandé un "débat différé" devant le juge des libertés et de la détention, qui statuerait de notre mise sous écrou ou non, dans le but officiel de préparer notre défense, mais avant tout pour laisser la pression médiatique retomber autour des faits qui nous étaient reprochés. Nous allions donc partir en prison en attendant les quatre jours de délai en vue de notre audience, envoyés à Fresnes pour l’un, deux autres à Fleury et moi à Villepinte.
J’aurais pu écrire plus longuement sur cette "découverte" de la prison, mais pour ce premier texte, j’ai préféré me concentrer sur les jours qui ont précédé ma seconde incarcération. (...)