
En pleine crise du coronavirus, la Diète polonaise prévoit de réexaminer, le 15 avril 2020, le projet de loi visant à interdire totalement l’IVG en Pologne et ce alors que les Polonais, confinés, ne peuvent pas sortir dans la rue pour protester.
C’est en 2016 que ce projet de loi est initialement proposé à la Diète. Élaboré par Ordo Iuris, une organisation non-gouvernementale ultra-conservatrice, il prévoit une peine de prison allant jusqu’à cinq ans pour une femme qui aurait avorté ainsi que pour les médecins et les infirmiers ayant pratiqué l’avortement. Cette proposition déclenche la colère des Polonaises et provoque la grève générale des femmes en 2016. On se souvient de milliers de femmes vêtues de noir qui sont sorties dans la rue pour défendre leurs droits. Sous leur pression, Droit et justice (parti ultra-conservateur et nationaliste au pouvoir) recule et suspend les travaux sur le projet.
La loi sur l’avortement en Pologne est actuellement l’une des plus restrictives en Europe. L’IVG n’est autorisée qu’en cas de viol ou d’inceste, de danger pour la vie de la femme enceinte, ou de malformation grave du fœtus.
Le projet de loi intitulé « Stoppons l’avortement »[1] vise non seulement l’interdiction totale de l’avortement mais a aussi pour objectif d’interdire l’accès aux examens prénataux mettant ainsi en danger la santé des femmes polonaises et empêchant la détection de pathologies réversibles des fœtus pouvant être soignées durant la grossesse.
Se joignant à la Grande Coalition pour l’Egalité et pour le Choix (WKRW), réunissant plus de cent organisations luttant pour le respect des droits des femmes en Pologne, l’ADDP souhaite marquer son opposition ferme à ce projet de loi et appelle les organisations et personnalités politiques en France à soutenir les femmes polonaises.
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Malgré les trois exceptions à l’interdiction de l’IVG actuellement autorisées en Pologne, l’avortement y est très peu pratiqué et de très nombreuses barrières existent pour les femmes souhaitant légalement interrompre leurs grossesses. Uniquement 1100 avortements légaux sont pratiqués chaque année dans le pays (à titre de comparaison, 209 522 avortements sont réalisés en France en 2018) et seulement 10% des hôpitaux respectent l’obligation légale de réaliser des IVG dans les cas autorisés par la loi, les médecins se réfugiant le plus souvent derrière la « clause de conscience ». Cet état de fait a pour résultat le développement d’un tourisme abortif mais surtout l’explosion d’un marché d’IVG clandestines prospérant dans des conditions sanitaires catastrophiques et mettant en danger la santé et la vie de nombreuses femmes. Les Polonaises cherchant ces solutions alternatives sont 150 000 environs chaque année et leur nombre risque d’augmenter si le projet de loi est accepté.
La société civile polonaise est contre cette dégradation et cette agressivité des rapports entre les institutions de l’État et les femmes. (...)
L’Association de Défense de la Démocratie en Pologne (ADDP) dénonce cette initiative gouvernementale inacceptable et antidémocratique en ouvrant ainsi le débat sur le plan européen.