
Depuis la pandémie, l’inflation frappe de plein fouet. La pauvreté explose. Les files devant les banques alimentaires s’allongent et l’itinérance s’aggrave. Tout le monde le constate : la vie coûte cher. Alors, imaginez devoir survivre avec l’assistance sociale, le salaire minimum ou même sans aucun revenu, comme c’est le cas pour des centaines de milliers de personnes au Québec, surtout des femmes.
Trente ans après la marche Du pain et des roses, des avancées ont été obtenues, mais les inégalités persistent.
Ainsi, 40,8 % des femmes au Québec gagnent moins de 30 000 $ par année (contre 32,7 % des hommes) et 55 % des personnes au salaire minimum sont des femmes, selon l’Institut de la statistique du Québec. Les femmes sont aussi surreprésentées dans les emplois précaires : 21,9 % des femmes en emploi occupent un emploi à temps partiel (contre 13,4 % pour les hommes). En 2023, le revenu annuel moyen des femmes était de 19,7 % inférieur à celui des hommes (50 200 $ pour les femmes contre 62 500 $ pour les hommes). Selon Statistique Canada, le revenu annuel moyen des femmes retraitées est quant à lui de 27 % inférieur à celui des hommes (38 700 $ pour les femmes contre 53 200 $ pour les hommes).
Le manque de place dans les services de garde, conséquence entre autres du faible attrait des conditions de travail des éducatrices, fragilise l’accès au travail des mères. Dans l’éducation et la santé, ce sont encore des femmes qui portent la surcharge. À cela s’ajoute l’économie invisible qui fait tenir la société : tâches domestiques, proche aidance, soins aux enfants et aux personnes âgées. Un travail gratuit, majoritairement assumé par les femmes, jamais reconnu ni valorisé.
Dans sa dernière réforme de l’assistance sociale, le gouvernement a choisi de pénaliser les familles monoparentales ayant un enfant de moins de 5 ans à charge. En éliminant une allocation de 166 $ par mois, il vient piger près de 2000 $ par année dans les poches de ces familles, dont 90 % ont une femme à leur tête.
Une crise mondiale de la pauvreté féminine
Cette réalité québécoise s’inscrit dans un contexte mondial alarmant. Plus de 60 % des personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté sont des femmes, selon Oxfam. À l’échelle mondiale, elles gagnent en moyenne 23 % de moins que les hommes. Dans les pays dits en développement, elles représentent près de la moitié de la main-d’œuvre agricole, mais moins de 13 % possèdent les terres qu’elles cultivent.
Ces inégalités ne sont pas étrangères à une concentration obscène des richesses, décuplée par la pandémie (...)
Depuis 2020, la fortune des cinq hommes les plus riches a doublé, tandis que les 5 milliards de personnes les plus pauvres se sont appauvries, selon Oxfam. Les écarts sont vertigineux : le 1 % le plus nanti possède plus de richesses que 95 % de l’humanité. Ces injustices ne sont pas une fatalité : elles résultent de choix politiques qui enrichissent les ultrariches, qui affaiblissent les mécanismes de redistribution de la richesse et qui privatisent les services publics. Et au rythme où vont les choses actuellement, il faudra plus de 300 ans pour atteindre l’égalité des genres, selon l’ONU.
L’héritage de 1995
La marche Du pain et des roses, en 1995, a porté des revendications sociales et économiques fondamentales contre la pauvreté et a donné naissance à la Marche mondiale des femmes. En 2000, les militantes féministes du Québec ont marqué l’histoire en amorçant un mouvement qui a rassemblé des milliers de femmes du monde entier autour de revendications communes contre la pauvreté et la violence. Depuis, tous les cinq ans, ce rendez-vous mondial mobilise des femmes de partout à propos d’enjeux locaux, pour porter un message global.
En 2025, nous marchons de nouveau. Nous marchons pour dire non à l’appauvrissement des femmes.
Nous marchons pour revendiquer un revenu suffisant pour toutes et tous. Pour la reconnaissance du travail invisible. Pour des services publics accessibles et universels. Pour la fin des préjugés et des discriminations qui portent atteinte à la dignité des femmes et de toutes les personnes en situation de pauvreté.
Le 18 octobre 2025, à Québec, nous marcherons encore. Contre le sexisme, les violences et les inégalités qui persistent dans toutes les sphères de la société. Pour des politiques ambitieuses qui s’attaquent enfin aux injustices vécues par les femmes. Parce que la justice sociale ne peut pas attendre encore 30 ans.