
Florian D. était en détention provisoire et placé à l’isolement depuis décembre 2020. Il est suspecté d’association de malfaiteurs terroristes après son retour de Syrie où il a combattu Daesh aux côtés des Kurdes.
« Nous sommes heureux. » C’est par ces mots que les avocats de Florian D., Coline Bouillon et Raphaël Kempf, ont annoncé à Basta ! la libération pour raison médicale de ce militant d’extrême gauche, mis en examen pour association de malfaiteurs terroristes et incarcéré à l’isolement en préventive depuis décembre 2020. Une grande nouvelle car il y a 72 heures encore, l’inquiétude régnait autour de sa situation.
Depuis le 27 février dernier, Florian D., appelé Libre Flot, était en grève de la faim pour protester contre son régime de détention à la prison de Bois-D’Arcy dans les Yvelines. Le 24 mars dernier, face à la dégradation de son état de santé, son isolement a été levé et il a été transféré de la prison à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) pour être pris en charge médicalement. Sans que cet assouplissement de son régime de détention ne le fasse arrêter sa grève de la faim. Dans une lettre intitulée « Pourquoi je fais la grève de la faim », le militant écrit ne réclamer que sa « mise en liberté en attendant de démontrer le côté calomnieux de cette honteuse accusation ». Le 27 février, il pesait 63 kilos. En début de semaine, il n’en faisait guère plus de 45.
Un homme « frêle comme une brindille » (...)
Quelques heures plus tôt, les médecins de l’hôpital pénitentiaire de Fresnes ont demandé le transfert en urgence de Libre Flot à la Pitié-Salpêtrière (Paris), ne s’estimant plus en capacité de le soigner. Malgré cela, ce 4 avril, ces avocats ne semblaient pas très optimistes sur une évolution positive de la situation. Selon Médiapart, le parquet national antiterroriste et le juge d’instruction en charge de cette affaire ne voulaient pas entendre parler d’une mise en liberté, pour « l’ordre public » et pour les nécessités de l’enquête. « La qualification terroriste empêche tout », confiaient lundi ses avocats.
Tout s’accélère pourtant le lendemain. Face à son état de santé qui se détériore de jour en jour, le juge d’instruction accepte finalement sa demande de mise en liberté pour raisons médicales. Le mardi soir, à la suite de cette nouvelle, Libre Flot met un terme à sa grève de la faim. C’est libre qu’il a été transféré, ce jeudi en début d’après-midi, à l’hôpital de Villejuif (Val-de-Marne). Il a été accueilli dans un service de renutrition spécialisé. À la fin de son hospitalisation Florian D devrait rester en liberté sous bracelet électronique accompagné d’un contrôle judicaire strict, dans l’attente de son procès. (...)
Revenons au début de cette affaire. Le 8 décembre 2020, la DGSI procède à l’interpellation de neuf militants qualifiés « d’ultragauche ». Deux sont libérés, sans charge, à l’issue de leur garde à vue. Les sept autres sont mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes. C’est la première fois depuis le fiasco de l’affaire Tarnac que la justice antiterroriste se penche sur ce qu’elle appelle « l’ultragauche ».
Parmi les inculpés, Florian D., un homme qui a combattu Daesh en Syrie aux côtés des forces kurdes du YPG. À ce titre, il a participé à la libération de Raqqa qui a un temps été la « capitale » de l’État islamique. Considéré par la DGSI comme le « leader charismatique » de ce groupe où les membres ne se connaissent pas tous entre eux, il est accusé d’avoir fomenté, sur le sol français, un projet d’action violente dont les contours restent, selon Médiapart, flous, sans cible précise. (...)
Dans des lettres écrites depuis sa cellule [1], Libre Flot réfute « cette infamante et diffamatoire accusation d’association de malfaiteurs terroriste » et juge que ce sont ses « opinions politiques » et sa « participations aux forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daesh qu’on essaie de criminaliser ». En annonçant sa libération, ses avocats ont rappelé qu’ils continueront leur travail de défense pour « démontrer que la qualification terroriste ne tient pas dans ce dossier ». (...)
Avant sa libération, il restait le seul des sept inculpés à être en détention. Les quatre autres personnes également incarcérées à la suite de leur garde à vue ont progressivement été relâchées courant 2021 dans l’attente de leur procès. Libre Flot, lui, avait fait plusieurs demandes de mise en liberté (DML), toutes refusées. Et ce, malgré l’exemplarité de son attitude en cellule. Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de la prison de Bois-d’Arcy s’était déclaré « favorable » à la fin de l’isolement en soulignant son « bon comportement ». Plus que cela, selon Médiapart, le SPIP souligne que les difficultés liées au régime d’isolement « ne semblent pas proportionnées aux éléments objectifs ».
En février, donc, son isolement a de nouveau été reconduit, et ses demandes de mises en liberté, sous contrôle judiciaire ou bracelet électronique, rejetées. La goutte de trop pour Florian D. « Cela fait plus de 14 mois que je suis enterré vivant dans une solitude infernale et permanente sans avoir personne à qui parler, à juste pouvoir contempler le délabrement de mes capacités intellectuelles et la dégradation de mon état physique et ce, sans avoir accès à un suivi psychologique », écrit-il dans sa lettre de revendication. (...)