
ENTRETIEN Un an jour pour jour après la mort d’Adama Traoré par asphyxie entre les mains des gendarmes, sa sœur, Assa Traoré, revient pour le Bondy Blog sur le combat qui l’anime depuis ce 19 juillet 2016. Entretien avec une femme de lutte.
Elle fera éclater la vérité, elle en est certaine. Assa Traoré, 32 ans, le martèle à longueur d’interview, ce mardi 18 juillet 2017. Et il y en a beaucoup car ce mercredi 19 juillet 2017, cela fait tout juste un an que son frère, Adama Traoré, a perdu la vie à la gendarmerie de Persan, dans le Val-d’Oise (95). Il avait 24 ans. C’était même le jour de son anniversaire. Il est décédé après une interpellation que l’on dit “musclée” dans des circonstances encore floues. La famille dénonce une bavure. Les forces de l’ordre démentent. Les déclarations parcellaires, omissions voire mensonges du procureur de l’époque ont renforcé les doutes. L’enquête suit son cours. Cette affaire est devenue emblématique de la difficulté à faire émerger la vérité dans les cas de violences présumées des forces de l’ordre. Mais pour cette sœur charismatique qui a pris les choses en main, la société avance doucement dans le bon sens.
Le Bondy Blog : Un an après le drame qui a frappé votre frère où en est l’affaire ?
Assa Traoré : Au début, l’affaire prenait le chemin d’un non lieu construit en présentant Adama non pas comme la victime mais comme un délinquant et sa mort comme le résultat d’une crise cardiaque. Nous avons renversé la vapeur. Il fallait qu’on lave son honneur, qu’on défende sa mémoire en disant : “Non Adama, c’est notre frère. Vous lui avez enlevé la vie”. Il est devenu un symbole. Nous avons fait de lui ce symbole.
La semaine dernière, on apprend que les deux experts qu’ils ont été nommés déclarent officiellement ce que l’on clame depuis le début : Adama n’est pas mort d’une crise cardiaque ou d’une infection, mais bien asphyxié. (La dernière contre expertise, dont les résultats ont été révélés mardi dans la presse, parle en effet d’une mort par asphyxie, mais ne peut affirmer qu’elle a été causée par l’intervention des gendarmes, ndlr).
“Adama est représentatif du mal-être d’une partie de la France, et en particulier de celui des jeunes issus des quartiers populaires”, Assa Traoré (...)
ne faut pas avoir peur. On trace une ligne, il faut continuer d’avancer droit devant. Nous nous battons contre les institutions les plus puissantes : l’Etat et la justice. Ils ont fait de nous des soldats, prêts à encaisser tous les coups. On en a pris des coups en un an. Il y a eu un mort, trois frères en prison (deux de ses frères, Bagui et Youssouf, ont été incarcérés pour des outrages, violences et menaces sur des agents des forces de l’ordre qu’ils nient, la famille considère qu’il s’agit d’une manœuvre pour faire pression, ndlr), d’autres soutiens se sont également retrouvés derrière les barreaux. Il faut avancer avec. Mais quand les résultats tombent, on se dit que le combat paie.
Ça prendra la temps que ça prendra. J’espère que la justice ne fera pas dans la lenteur. Mais le processus est lancé. Cette lutte est reprise pas tout le monde. Même si, demain, je venais moi-même à être enfermée, la société française se devra de continuer ce combat.
Le Bondy Blog : Si la société française était une personne en chaire et en os et qu’elle se tenait là, devant vous, que lui diriez-vous ?
Assa Traoré : Je lui dirais que c’est bien dommage que la France considère sa diversité, toutes ses cultures, toutes ses religions et toute cette richesse comme des éléments négatifs. C’est l’un des pays où il y en a le plus. Si elle l’avait pris de façon positive, je pense que ce serait l’un des plus beaux pays, et l’un des plus puissants.
Malheureusement, nous avons aujourd’hui une société qui prend tout de façon négative, qui en devient violente et méprisante. Tant que les choses ne seront pas prises dans le bon sens, on ne pourra pas être ce grand et beau pays.