
Difficile quand on est une personnalité politique de se taire. Difficile quand on est journaliste de ne pas montrer les images dont on dispose, même insoutenables, même indécentes. Il est pourtant parfois urgent d’attendre. La tragédie de Nice a encore illustré le risque de la précipitation qui le dispute bien souvent à la démagogie et au cynisme.
Très vite, trop vite peut-être, on a entendu Christian Estrosi reprocher à François Hollande d’avoir annoncé jeudi midi la fin de l’état d’urgence. Puis, Nicolas Sarkozy juger « indispensable » la prolongation du même état d’urgence. Et encore Georges Fenech, député LR du Rhône, affirmer que « l’état d’urgence ne règle rien », et stigmatiser « l’impuissance de l’exécutif ».
Nous avons assisté après le massacre qui a coûté la vie à 84 personnes le soir du 14 juillet, à Nice, à une débauche de déclarations péremptoires, de contradictions, et de solutions faussement radicales comme la rétention administrative, dans des centres fermés « pour ceux qui représentent une menace ». Une proposition que s’est empressé de ressortir de ses tiroirs le député LR des Alpes-Maritimes Eric Ciotti.
Tout cela en vrac alors qu’on ne savait encore rien du tueur qui a jeté son camion dans la foule. Les partisans de l’état d’urgence à perpétuité devraient pourtant admettre que cette disposition d’exception, en vigueur depuis le 14 novembre dernier, n’a pas empêché l’attentat de Nice. (...)
Le constat est accablant : aucune des mesures proposées péremptoirement par ces personnalités politiques n’aurait évité le carnage de Nice. Alors pourquoi cet empressement ? On a trop l’impression que la priorité, en ces circonstances, est d’exister médiatiquement. (...)
Dément vaguement influencé par Daech ? Ou dépressif pris de délire ? Tout est possible. Mais on ne savait rien vendredi de ce franco-tunisien de 31 ans qui a tué 84 personnes au milieu de la fête. On ne savait rien, mais ça n’empêche pas les hommes politiques de parler.
En attendant, il faut tout de même s’étonner qu’un camion ait pu pénétrer dans une zone piétonnière sans rencontrer le moindre obstacle. L’enquête nous dira rapidement comment cela a été possible. Bien avant que l’on puisse comprendre les causes profondes de ce geste épouvantable, et son rapport éventuel avec la situation au Moyen-Orient.