Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Monde
Au Burkina Faso, l’horreur et la sidération après l’attaque qui a fait 160 morts
Article mis en ligne le 8 juin 2021

L’assaut, mené dans la nuit de vendredi à samedi dans le nord-est du territoire, est le plus meurtrier que le pays ait connu depuis le début des violences djihadistes, en 2015.

Cette nuit-là, vers 2 heures du matin, Idrissa (le prénom a été changé) a été réveillé en sursaut par le grondement d’une colonne de motos à Solhan, son village au nord-est du Burkina Faso. Terrifié, le jeune homme de 20 ans s’est réfugié dans la chambre de ses parents. Dehors, les tirs de kalachnikovs et les cris « Allah Akbar » résonnent. Tremblant dans l’obscurité, Idrissa prie pour que les assaillants ne viennent pas les chercher. Trois heures passent, interminables. Jusqu’à ce silence de mort. (...)

Au lever du jour, samedi 5 juin, il se décide à sortir et parcourir les ruelles désertes. Devant lui, l’horreur. L’odeur de suie s’est mêlée à celle du sang. Des maisons, des boutiques brûlées. Une centaine de blessés, allongés sur la terre rouge, le corps criblé de balles. Des femmes et des enfants ensanglantés. (...)

Selon un dernier bilan provisoire, 160 personnes ont été tuées dans l’attaque, la plus meurtrière enregistrée au Burkina Faso depuis le début des assauts djihadistes, en 2015. Parmi les victimes figurent « une vingtaine d’enfants », précise un élu local cité par l’Agence France-Presse. Des « opérations d’envergure » étaient toujours en cours dimanche pour « retrouver et neutraliser les terroristes ». L’assaut n’a pas encore été revendiqué.

Samedi, le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré a dénoncé une « attaque barbare » et décrété un deuil national de soixante-douze heures. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’est dit « indigné », soulignant « la nécessité urgente que la communauté internationale renforce son soutien à l’un de ses membres dans son combat contre la violence extrémiste ». Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a annoncé dimanche, sur son compte Twitter, un déplacement « cette semaine » au Burkina Faso pour exprimer « à nouveau la solidarité de la France ». (...)

Selon des sources locales, les assaillants ont d’abord visé le poste des « VDP », les « volontaires pour la défense de la patrie », créés en décembre 2019, des civils recrutés et formés par l’armée pour lutter contre le terrorisme, avant de s’en prendre à une mine d’or, accolée au village. (...)

Depuis, la sidération et l’incompréhension règnent. Le décompte des corps a été fastidieux. « C’était un carnage », résume Issouf Sow, le maire de Solhan, qui comptait environ 5 000 habitants avant les événements. Samedi, les villageois ont dû rassembler et enterrer les dépouilles, à la va-vite, enveloppées dans des nattes de fortune, dans des fosses communes. (...)

Plusieurs sources locales assurent que des hommes armés sont revenus dans la nuit pour piller et incendier le reste des boutiques. Depuis, tous les habitants ont fui, (...)
Le choc est immense au Burkina Faso, où jamais un massacre d’une telle violence n’avait été perpétré. Les messages de soutien et les appels aux dons de sang se multiplient. (...)

Le choc est immense au Burkina Faso, où jamais un massacre d’une telle violence n’avait été perpétré. Les messages de soutien et les appels aux dons de sang se multiplient. (...)

Selon un habitant de Sebba, des menaces circulaient depuis quelques jours, visant les VDP du coin, qui auraient mené des opérations contre des terroristes présumés. Ces derniers mois, plusieurs groupes d’habitants s’étaient portés volontaires pour défendre leur village. Mais souvent mal équipés et en première ligne, ils sont de plus en plus pris pour cible par les djihadistes. (...)

Plusieurs groupes armés opèrent dans la région, principalement le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda, et l’organisation Etat islamique dans le Grand Sahara. Depuis 2020, les djihadistes y font régner « la loi et la terreur ». Dans certains villages, ils ont imposé la charia et la zakat, l’impôt religieux. « Ils ordonnent de porter le pantalon court et la barbe, les femmes doivent se voiler, ils menacent de couper les mains des voleurs et de fouetter ceux qui commettent l’adultère », décrit un habitant de Sebba, sous couvert de l’anonymat. (...)

La zone s’est vidée des représentants de l’Etat. De nombreux fonctionnaires, conseillers municipaux et enseignants ont dû fuir face aux menaces. « Ceux qui restent sont terrorisés et vivent sous leur joug », rapporte un élu de Sebba, qui compte 18 villages. « Six » sont désormais inaccessibles, assure-t-il.