
Le sauvetage, grâce à un puits d’évacuation, des trente-trois mineurs bloqués dans la mine de San José a été un succès. Des milliers de journalistes ont convergé du monde entier vers le lieu du « miracle ». Depuis l’annonce de l’accident, le président chilien, M. Sebastián Piñera, ne s’épargne aucun effort pour montrer qu’il supervise personnellement les travaux : sa cote de popularité a d’ailleurs grimpé de dix points depuis le lancement d’une opération qu’il estime « sans comparaison dans l’histoire de l’humanité ». Mais une fois passé le temps des réjouissances – toutes naturelles –, le Chili s’interrogera-t-il sur les conditions qui ont rendu possible cet accident ?
(...) Pour l’exécutif, le drame présentait certains avantages. M. Sebastián Piñera, président-entrepreneur multimillionnaire élu le 17 janvier 2010, connaît des débuts difficiles (1). Sa gestion désastreuse des conséquences du tremblement de terre de février dernier suscite de nombreux mécontentements cependant que les mobilisations et grèves de la faim des Indiens Mapuches, dans le sud, lui donne du fil à retordre. Le martyre des « 33 » représentait donc une occasion rêvée d’organiser, deux mois durant et en direct, un formidable spectacle télévisé. Alors que les « 33 » étaient proclamés « héros du bicentenaire de l’indépendance », tout fut fait pour transformer l’élan de solidarité en un consensus politique : « tous unis » derrière le président Piñera. Pourtant, selon le journaliste Paul Walder, l’accident de San José constitue surtout une allégorie du Chili contemporain, un pays où la classe ouvrière se trouve « ensevelie » sous un système qui l’opprime (2). (...)
Malgré quelques programmes de prévention des risques, la superintendance de sécurité sociale (ministère du travail) reconnaît que 443 personnes sont décédées suite à un accident du travail en 2009 (282 pour le premier semestre 2010), tandis que 191 685 accidents non mortels ont été enregistrés l’année dernière (pour une population active de 6,7 millions d’individus).
Le 28 août 2010, le président Piñera a annoncé la création d’une « superintendance des mines » (les syndicats n’y seront pas représentés), renvoyé le directeur du Sernageomin et promis l’augmentation des contrôles et du nombre d’inspecteurs. Il faut dire que ces derniers sont aujourd’hui... seize, pour contrôler plus de quatre mille mines réparties dans tout le pays (7).