
Les utopies peuvent fonctionner ! Ardelaine est une filature coopérative née en Ardèche dans le sillage de mai 1968. Autogestion, polyvalence et « ménagement » sont les principes qui ont fait son succès. C’est désormais une référence dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Sur la façade de la filature, une pancarte : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Comme un étendard brandi par une poignée d’idéalistes réalistes qui ont su créer, au fil des années, un modèle économique, écologique, social, convivial. Bienvenue à Ardelaine, une entreprise, mais bien plus que cela.
La filature est installée à Saint-Pierreville, un village de l’Ardèche perché au-dessus de la vallée de l’Eyrieux, à une heure de route de la Voulte. La vue est spectaculaire. Organisée en société coopérative (Scop), l’entreprise compte cinquante salariés dont la moitié habite dans le village de 530 habitants. Tous les salariés sont payés au Smic et se partagent une vingtaine de métiers différents. Le travail se fait à la main dans les ateliers. Ici, on fabrique de la literie en laine, des matelas, des couettes, des coussins, des surmatelas mais aussi des vêtements. Ardelaine, contraction d’« Ardèche » et de « laine » mais aussi d’« art de la laine », travaille avec 200 éleveurs de moutons. (...)
Aujourd’hui encore, la Commission européenne considère toujours la laine comme un déchet, au même titre que les abats. Alors, qui sont ces jeunes qui n’y connaissaient rien et pourquoi faire revivre une filature à l’abandon ? « Nous voulions sauver un patrimoine, relancer le travail de la laine dans le département et se confronter à la création d’une entreprise coopérative grandeur nature », raconte Béatrice. Il est utile de se rappeler qu’en 1968, on entrait à l’usine à 16 ans et qu’on y travaillait 48 heures par semaine. Cinq millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté. Un an avant, les premières grèves avaient démarré des usines. Avant qu’il y eût 10 millions de grévistes, le 24 mai 1968. On s’arrêtait, on discutait, on réfléchissait. L’autogestion traversait ce moment politique. Et si on se passait de patron ? (...)
DE LA LAINE POUR TISSER LES LIENS D’UN QUARTIER « SENSIBLE »
Les vêtements Ardelaine sont fabriqués au rez-de-chaussée d’une HLM dans le quartier populaire de Fontbarlettes, à Valence, où vivent des gens de dix-sept nationalités différentes. (...)