
En plein essor international du mouvement "Black Lives Matter", les nombreux Yéménites noirs, appelés "marginalisés", voient les discriminations s’exacerber et s’ajouter à la grave crise humanitaire qui frappe un pays en guerre.
(...) Dans la capitale du Yémen Sanaa, Haitham Hassan dit toujours ressentir la discrimination au quotidien, lui qui se fait souvent traiter d’"esclave" ou de "serviteur" en raison de sa peau foncée.
A Sanaa, les membres de cette minorité appelée en arabe "Mouhamachoun", littéralement les "Marginalisés", se concentrent à Mahaoui, un bidonville sordide du sud de la ville.
Entre les masures faites de carton et de tôle ondulée, les tentes et quelques maisons en dur, des femmes cuisinent dans la rue.
"C’est comme si on était des citoyens de seconde zone même si on a des pièces d’identité yéménites", commente Haitham.
"Dans les écoles, ils traitent nos enfants de manière différente et on nous regarde de biais dans la rue et sur les marchés", se lamente-t-il. (...)
"Il y a des controverses sur les origines ethniques du groupe. Certains pensent qu’ils descendent d’esclaves africains ou de soldats éthiopiens au VIe siècle. D’autres estiment qu’ils sont d’origine yéménite", souligne Minority Rights Group International.
Sur son site, l’ONG énumère leurs difficultés : mauvaises conditions de vie, pas d’accès aux services de base tels que l’eau, l’assainissement et l’éducation, le chômage ou des métiers subalternes comme le ramassage des ordures et les travaux de nettoyage.
Formant entre 2 et 10% des 27 millions de Yéménites, selon les estimations, les membres de cette minorité se situent en dehors du système tribal, pilier essentiel de la société yéménite et bouclier protecteur de ses membres, ce qui accentue leur vulnérabilité, selon les spécialistes. (...)
Le chef des rebelles Houthis — qui contrôlent Sanaa et une bonne partie du nord du Yémen — Abdel Malek al-Houthi a appelé en juin à "intégrer" les membres de cette communauté à la société yéménite.
Il a évoqué un programme à long terme pour y parvenir, suscitant des espoirs chez certains comme Haitham pour qui cet appel "aidera à changer les attitudes à notre égard".
– "Enfer sur Terre" -
Mais le chef de l’Union nationale des Mouhamachoun, Noman al-Hadifi, accuse les Houthis de chercher ainsi à "enrôler (les membres de cette communauté) dans les rangs des rebelles". Les rebelles "veulent les envoyer combattre sur les fronts de guerre", a-t-il déclaré à l’AFP par téléphone.
Cette guerre, qui oppose les Houthis au gouvernement, affecte particulièrement cette minorité. (...)
La guerre a accentué ce statut, notamment dans les zones sous contrôle des rebelles, faisant de la vie de cette communauté "un enfer sur Terre", avec notamment moins d’aide humanitaire que pour les autres Yéménites, souligne la chercheuse. (...)