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BFM-TV et le journalisme politique : le néant au carré
Article mis en ligne le 28 janvier 2022
dernière modification le 27 janvier 2022

Nombriliste à souhait, englué dans ses routines, le journalisme politique tourne en rond. Inlassablement. Les coulisses, la communication, les stratégies des candidats, les sondages de la « course » présidentielle, les stratégies des coulisses... Et parce qu’il se vit au-dessus de la mêlée, le journalisme politique croit intéressant de s’auto-médiatiser. C’est en tout cas ce à quoi s’attèle le service dédié de BFM-TV, dans une série de podcasts déclinée désormais sous la forme de « documentaires » à l’antenne.

Quoi de pire qu’un sujet politique de BFM-TV ? Un « documentaire » de BFM-TV revenant sur les coulisses du sujet politique de BFM-TV.

Depuis septembre 2021, le chef du service, Philippe Corbé, propose un podcast « dévoilant des "off" des grands événements politiques ». Les « grands événements » en question ? Ceux que la rédaction aura préalablement construits comme tels sur son antenne. Recenser les candidats figurant en titre de ces podcasts permet ainsi, sans trop de surprise, de corroborer le fort déséquilibre de la chaîne sur le terrain du pluralisme, et de confirmer ses priorités éditoriales, comme le montre le graphique ci-dessous (...)

Et depuis le 17 janvier, remplissage et « auto-promo » obligent, cette trouvaille se recycle à l’antenne sous la forme d’une série de documentaires intitulée… « le service politique ». Des esprits moins chagrins pourraient entrevoir dans le matériau récolté – au plus près des pratiques des stars (vieilles et en herbe) de BFM-TV – une information à valeur sociologique. Et c’est en partie le cas. Sachons gré aux journalistes de nous épargner un travail d’entretien, mais n’y voyons aucune tentative d’autocritique, ni même le début d’une démarche réflexive (...)

Que ce soit à l’antenne ou à travers un « documentaire » rétrospectif, réussir à systématiquement dépolitiser le fond des enjeux politiques relève presque de l’exploit journalistique. Pour peu qu’il y en ait un, l’intérêt de ce genre télévisé – devenu courant, en particulier à l’occasion des campagnes présidentielles – ne réside certainement pas dans son argument de vente : « l’information autrement ». Mais interpelle sans doute davantage pour sa valeur d’autoportrait, donnant à (re)voir, à travers l’exposé de leurs pratiques professionnelles ultra normalisées, la manière dont les journalistes politiques conçoivent et exercent leur métier, la façon dont ils appréhendent « l’information » et comment ils se perçoivent eux-mêmes.

Les journalistes politiques, car de BFM-TV à France 2 en passant par France Inter ou RTL, les professionnels se ressemblent – sociologiquement parlant – comme deux gouttes d’eau, répondent aux mêmes contraintes, se livrent aux mêmes routines, préfabriquent leurs reportages avec les chefferies de manière quasi analogue, posent des questions similaires et in fine, dépolitisent l’information à l’identique.

Interchangeables, ils vivent la politique comme un spectacle, la restituent telle un spectacle avant de la rembobiner pour le spectacle. (...)