
Ce jeudi 18 mai le conseil municipal de Mandres-en-Barrois devait voter à nouveau une délibération autorisant un échange du bois Lejuc contre un bois mitoyen, le bois de la Caisse, en bonne et due forme. Le 28 février, le tribunal administratif de Nancy avait invalidé une première délibération pour vice de procédure, brouillant l’appropriation de l’Andra sur le bois. Et enjoint le conseil municipal à se « régulariser » sous 4 mois.
(...) Le 18 mai, pour la première fois en 25 ans d’implantation de l’Andra, le village de Mandres-en-Barrois était littéralement bunkérisé par des gendarmes mobiles. 150 bidasses, une quinzaine de fourgons, 3 grilles anti-émeutes barraient ainsi l’accès de la manifestation à la place de la mairie. Bure, et son art de l’oxymore permanente, de la disproportion raffinée à un sommet inattendu. À Mandres, jour de vote, jour de catéchisme démocratique, il y a avait plus de flics que d’habitants. Les agriculteurs devaient changer de route pour accéder à leur ferme. Les habitants devaient montrer leurs cartes d’identité pour passer les barrages de flics. Etc, etc, etc. (...)
Régularisation, qu’on vous dit. Après des actions menées tout au long de la semaine pour faire monter le suspense, le rendez-vous avait été fixé le jour même à 18h devant la place de la mairie pour un rassemblement « massif » face au vote du conseil municipal. Un cortège d’une soixantaine de personnes bariolées était parti de la Maison de résistance de Bure, mené par une batucada pétaradant aux cris d’Andra dégage !, et une banderole renforcée récupérée d’une brocante qui annonçait « MANDRES, VILLAGE À VENDRE ! ». Avait tracé dans la campagne tranquille de mi-mai – son ciel bientôt nimbé de lourds nuages, ses agriculteurs en train de rentrer leurs bêtes – un petit sillon sonore. S’était demandé, cheminant, jusqu’où il pourrait arriver dans Mandres ? Pourrait-il bloquer le conseil municipal devant ses portes ? Trouverait-il un village entièrement/partiellement/légèrement militarisé ? Y aurait-il une chance, même minime, pour empêcher le conseil de voter ? D’ailleurs, faillait-il l’empêcher ? Ne fallait-il pas plutôt miser sur – tombé du ciel – un vote contre l’échange du bois, qui ferait gagner un temps très précieux et ralentirait l’Andra pour un bon moment ? (...)
. Image surréaliste d’une cinquantaine de hiboux multicolores qui poussent, en contrebas de l’Église et du cimetière, sous le regard de quelques habitants, les boucliers en plexiglas qui les cognent. Des cotillons en spray sur les gueules inertes de ces cons parachutés sans même savoir la nature exacte de ce qu’ils sécurisent, pardon, ce qu’ils régularisent.
Régularisation. La tentative de contournement du cortège renforcé d’une cinquantaine de personne, pour tenter d’accéder à la place de la mairie par un autre accès, à nouveau repoussée par les keufs. Ambiance zone rouge de contre-sommet – version locale et rurale. (...)
Soyons honnêtes, nous n’avions pas suffisamment bien anticipé cette nouvelle session de conseil municipal, et préparé autre chose qu’un geste symétrique par rapport à ce dispositif, qu’un geste qui reste coincé à l’intérieur des termes frelaté du vote et de la majorité, qu’il participe de sa « critique » ou d’un espoir un peu vain que l’impensable arrive et que l’onction démocratique nous facilite la tâche. D’autres choses auraient été imaginables pour trouer cette impasse, sauf qu’elles demandent une préparation longue, lente, la construction patiente de liens de confiance tout autour, et surtout la capacité de s’organiser plus largement, de se parler à l’échelon du village de Mandres. Ce qui, pour l’instant n’est pas encore gagné. (...)
Alors quoi, est-ce encore la peine de préciser que, oui, bien entendu, l’Andra s’est « régularisée » avec une victoire par 6 voix pour et 5 contre – ce qui, dans ces termes, aurait pu être pire ? Est-ce la peine d’ajouter qu’un conseiller déjà reconnu comme en situation de conflit d’intérêt par la justice a voté, alors qu’il n’aurait pas « dû » ? Est-ce important de témoigner de l’ambiance surréaliste à l’intérieur de la mairie, entre militants silencieux, caméras nationales, petites blagues décalées du maire, et conseillers avouant qu’ils « n’ont pas le choix » au vu de la pression de l’Andra sur leurs épaules ? (...)