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Les eaux glacées du calcul égoïste
Beauvais : Veolia traîne en justice la ville qui lui a fait un pont d’or
Article mis en ligne le 6 octobre 2015
dernière modification le 1er octobre 2015

Oyez, oyez, gents damoiseaux libéraux, la terrifiante et très véridique histoire de Dame Cayeux, dévorée par l’ogre Veolia dans la forêt du Beauvaisis…

Cette histoire s’adresse, une fois n’est pas coutume, aux innombrables élus de droite, intimement convaincus, affection des plus fâcheusement répandue, que le privé c’est bien et que le public c’est mal. Leur collègue Caroline Cayeux, inamovible sénatrice-maire (LR) de Beauvais, vient d’apprendre à ses dépens que la fable libérale, si libéralement vulgarisée par d’innombrables zélotes (façon la fêlée de l’IFRAP), est un redoutable mirage (1).

Voyons plutôt. Le mercredi 26 septembre 2007 plusieurs membres du conseil municipal, opposants de gauche à la majorité (alors UMP), dirigée par Caroline Cayeux, maire de Beauvais (Oise), organisent un débat public pour débattre de la gestion future du service de l’eau, qui doit être abordée deux jours plus tard au conseil municipal.

Alors que Caroline Cayeux souhaite confier à Veolia la gestion de l’eau de la ville, dans le cadre d’une délégation de service public (DSP), l’opposition milite depuis plus d’un an pour une gestion de l’eau en régie municipale, voire intercommunale. Formule qui pourrait selon eux faire réaliser à la ville une économie de 20% sur le prix de l’eau dans la commune.

"Nous protestons contre la précipitation avec laquelle on nous soumet ce dossier", expliquait le communiste Thierry Aury dans les colonnes du Parisien. "L’eau est un sujet important qui aurait mérité l’organisation d’un vrai débat public contradictoire. Nous demandons le report du vote". (...)

elon la majorité municipale (UMP), aucun doute que l’offre de Veolia soit la meilleure. Selon les « études » réalisées, le prix du m3 reviendrait à 0,931 euros en 2008, alors qu’une gestion en régie municipale ferait monter le prix à 0,965 euros le m3…

Magie des « audits » mercenaires de rigueur en ces circonstances.

De plus, la majorité affirmait craindre des risques sanitaires en cas de gestion par une régie municipale…

Dans ce contexte, ce qui devait arriver arriva, et la majorité de droite décide au début de l’année 2008 d’attribuer à Veolia, pour une durée de douze ans, une nouvelle DSP, dont le CA annuel est estimé à 3,1 million d’euros.
Le Patron s’en va…

Satisfait du devoir accompli, moins d’un an plus tard, comme l’annonçait Le Parisien le 15 décembre 2008 : « Guy Proucelle, le patron de l’eau, s’en va. » Car, dans le Beauvaisis, le patron c’était lui… Depuis les dernières élections, Guy Proucelle était devenu maire de Bonlier, village de 385 habitants au nord de Beauvais.

Mais ce nouvel élu était déjà très connu des autres maires de la région. Car depuis six ans, Guy Proucelle était le grand patron de la distribution de l’eau dans le Beauvaisis (...)

Agé de 60 ans, Guy Proucelle faisait ses adieux à son entreprise avant de se consacrer pleinement à sa mairie, non sans avoir intronisé son successeur François de Fruyt.
L’attaque au plomb

En janvier 2009, casque sur la tête, chasuble fluo jetée sur les épaules, les agents de Veolia quadrillent Beauvais. Leur mission : éradiquer l’intégralité des branchements en plomb de la ville !

Un (fameux) décret relatif aux eaux destinées à la consommation humaine stipule qu’en décembre 2013 le seuil de la teneur en plomb à la sortie du robinet passera de 25 à 10 milligrammes par litre.

En conséquence, mille et un chantiers fleurissent un peu partout dans la ville, où 700 branchements plomb ont déjà été supprimés.

« Au départ, l’eau de Beauvais n’a aucune teneur en plomb, explique François de Fruyt, le nouveau directeur de l’agence Veolia Eau de l’Oise. Il n’est donc pas possible de réduire cette teneur en travaillant sur la qualité intrinsèque de l’eau. En revanche, on peut travailler sur son contenant. »

Et de remplacer les anciens branchements plomb du réseau, très en vogue dans les années 1960-1970, par du polyéthylène (Voir incidemment ce qu’en pense l’ASTEE...). Sur l’ensemble de la ville, 3000 branchements sont concernés. Veolia a prévu d’en remplacer 500 chaque année pendant six ans, soit entre dix et quinze rues par an.
(...)

le remplacement des branchements plomb ayant d’abord pour objectif d’abonder les grands travaux de Veolia qui ont contribué depuis deux décennies à améliorer la rentabilité de tous les contrats de DSP… Ceci sans aucun effet avéré sur la santé publique, aucun cas de saturnisme du aux branchements plomb n’ayant jamais été répertorié en France, sans compter l’absurdité de changer les branchements plomb sur les conduites publiques, quand on se garde bien de toucher aux colonnes montantes, en plomb, des immeubles…

M’enfin, tout ceci à rapporté entre 3 et 5 milliards d’euros aux Trois Soeurs en vingt ans, ce dont même M. Macron n’oserait rêver dans ses délires les plus fous.
Le Préfet s’en mêle

Février 2009, fait rarissime, après s’être penchés de près sur le dossier, au titre du contrôle de légalité, (qui a à peu près totalement disparu depuis lors dans l’Hexagone), les services de la préfecture attaquent la ville de Beauvais devant le tribunal administratif pour demander l’annulation de la DSP accordée début 2008 à Veolia.

Les Beauvaisiens payaient-ils l’eau du robinet au juste prix ? (...)

l’édition locale du quotidien se surpassait :

« C’est comme pour un prêt immobilier, il ne faut pas toujours se fier au taux annoncé, mais tenir compte des diverses assurances obligatoires qui, en fin de compte, font grimper l’addition. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement a rejeté l’intégralité des griefs relevés par les services de la préfecture. En clair, il a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’annuler la DSP. Alors, ce recours de la préfecture va-t-il se traduire par un simple coup d’épée dans l’eau ? Pas impossible, quand on sait que, dans 90 % des cas, le tribunal suit les conclusions du commissaire du gouvernement. Le jugement sera rendu le mois prochain. »

Manque de bol, le TA d’Amiens n’avalait pas cet invraisemblable tissu d’âneries, et annulait un mois plus tard, le 3 mars 2009, la délibération ayant accordé la DSP de 12 ans à Veolia, qui annoncerait évidemment interjeter appel de cette décision, à l’évidence parfaitement inique à ses yeux, comme à ceux de la collectivité.
Du provisoire qui dure…

En attendant les foyers beauvaisiens n’allaient tout de même pas manquer d’eau courante !

L’accommodant conseil municipal de Mme Cayeux votait donc dare-dare le 14 mai 2009 la signature d’une convention de gestion provisoire de la distribution d’eau, dont l’échéance était fixée à un an à compter de son exécution.

Veolia, en dépit de l’annulation de la DSP par le TA d’Amiens à la suite de la requête de la préfecture, gardait la main. Au moins jusqu’à la décision de la cour d’appel. (...)

ni la ville ni Veolia ne semblaient prêts à abandonner le principe d’une DSP. Veolia n’étant aucunement enclin à laisser filer un marché estimé 37,2 millions d’euros sur 12 ans….

Un an plus tard, dans l’attente d’un signe de la cour d’appel, et afin d’assurer la continuité du service public, une seconde convention provisoire d’un an était à nouveau signée en juillet 2010 avec la SEAO, filiale locale de Veolia...
(...)

En juillet 2011, Beauvais resignait bien évidemment une nouvelle DSP avec Veolia …

Le prix du péché

Le mardi 30 septembre 2015, le Tribunal administratif d’Amiens devait statuer sur le recours introduit par Veolia, qui s’en vient réclamer benoîtement 1,9 millions d’euros à la ville, après que celle-ci et son opérateur chéri n’aient pu trouver une solution amiable au différend qui les oppose depuis 2009. (...)