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Bidouillage génétique : jusqu’au point de rupture ?
Article mis en ligne le 7 janvier 2018

Tout être vivant est situé dans un contexte évolutif, mais les « créateurs » d’OGM (anciens et nouveaux) le nient. Résultat : ils nous entraînent vers un « point de rupture » de nos écosystèmes. C’est ce qu’explique ici Frédéric Jacquemart, médecin, ancien président d’Inf’OGM, et ancien membre du Haut Conseil des biotechnologies.

La célèbre phrase du biologiste Theodosius Dobzhansky : « rien, en biologie, n’a de sens si ce n’est à la lumière de l’évolution », signifie que tout, en biologie, tout être, en fait, est constitué par son histoire et l’histoire du système (la biosphère) dans lequel il a émergé. Elle signifie donc la nécessité (condition pour avoir du sens !) de resituer tout être, tout concept, dans un contexte qui est l’histoire du monde.

Très curieusement, alors que Dobzhansky est cité « quarante douze mille fois » dans la littérature scientifique, il n’est jamais tenu compte de la signification pourtant très profonde de ce qu’il dit. Ainsi, pour la plupart des biologistes, les OGM, y compris les derniers produits des dernières technologies, n’ont pas d’histoire et sont réduits au seul contexte implicite du laboratoire et ce alors même que ces produits, pour ceux qui nous intéressent ici, sont utilisés dans la société et dans la nature, c’est-à-dire dans un contexte totalement différent ! (...)

Depuis des années, le Groupe International d’Études Transdisciplinaires (Giet) incite les militants et citoyens à se réapproprier la parole, c’est-à-dire à ne pas se placer dans le contexte fourni par les laboratoires et l’industrie, comme s’il s’agissait de la seule manière de penser possible. Ces OGM-là ne sont pas les nôtres et pourtant, la propagande de l’industrie, partagée par les experts, nous a largement fait croire que si.

Dangereux experts (...)

Cette fantastique accélération des possibilités de transformer le vivant est-elle compatible avec l’organisation sociale et l’organisation de la biosphère ? Qu’il s’agisse de la société ou des écosystèmes ou de la biosphère (écosystème global), il s’agit de systèmes hypercomplexes de connexions et de flux de matière, d’énergie, d’information, voire d’autres choses ou non-choses. Ces systèmes ont une organisation qui provient de leur histoire (ils ne sont pas quelconques). Ces systèmes complexes ont aussi un caractère essentiel : ils ont une très forte résilience. Ce caractère a fait qu’on a considéré implicitement, dans la civilisation occidentale, qu’il n’était pas nécessaire de se préoccuper des effets que pouvaient avoir nos actes sur l’organisation des systèmes sus-cités, notamment sur la biosphère, qui apparaissait comme ayant une résilience infinie. Or, cet a priori implicite ne peut plus être considéré aujourd’hui comme étant valide et LA question majeure actuelle est, justement « est-ce que l’organisation qui nous permet d’exister est mise en péril par nos actes ? ».

Les biologistes changent le rythme de l’évolution (...)

Au niveau de l’évolution de la biosphère, on ne modifie pas notablement les vitesses des changements sans prendre des risques pour le maintien de l’organisation même de la biosphère (et de l’organisation sociale).
Les systèmes naturels évoluent. A priori, ils évoluent sans intention de devenir quoi que ce soit, ils évoluent, c’est tout. Lorsqu’un nouvel élément, un nouveau flux, survient, c’est que le système a rendu possible cette émergence, du fait de la compatibilité (non absolue) de cette nouveauté avec l’organisation actuelle du système. Les actions humaines, elles, sont intentionnelles. Elles cherchent à atteindre un but. Elles sont, en ce sens, artificielles. Il est possible d’évaluer la satisfaction apportée par ce résultat (évaluation classique) mais non la cohérence de ce qui est produit avec le système avec lequel la nouveauté interfère. La majorité des interactions sont en effet hors de la vue, quelconques et donc aléatoires par rapport à l’organisation du système. (...)

Depuis 20 000 ans, l’humanité artificialise les êtres vivants qu’elle cultive ou élève. Ce qui est maintenant en cours, c’est de changer cette petite quantité d’artificiel en une énorme quantité. Encore une fois, les systèmes complexes sont résilients, mais jusqu’à un certain point de rupture. Où est ce point ? La réponse est impossible à donner, par contre, on peut voir que la technoscience évolue de manière grossièrement exponentielle. Après une évolution très longue et très lente, nous sommes maintenant dans une phase quasi-verticale de cette évolution. Il n’est donc pas nécessaire de savoir quantifier l’aléatoire introduit puisqu’on sait, par l’allure de la courbe évolutive, que dans quelques pas (années), le seuil, quel qu’il soit, sera dépassé. (...)