
Le maraîchage municipal charme de plus en plus. Un nombre croissant de villes veulent des produits bio et locaux pour leurs crèches et cantines scolaires, et créent donc leur propre régie agricole.
(...) « Les premières cultures ont commencé en juillet, les premières récoltes en septembre », note Kévin Tastayre, directeur des espaces verts de la ville. Il y a eu, en amont, un gros travail d’étude et de planification avec un maraîcher recruté par la municipalité pour mener à bien le projet. Même s’il reste un travail d’aménagement des 1 300 m2 exploités qui devrait prendre fin en avril, les premiers rendus des cultures — sans intrants, « mais on n’a pas encore fait les démarches pour le label bio » — satisfont M. Tastayre. Aubergines, betteraves, blettes, choux, courges butternuts... « On a récolté en quelques mois un peu plus de 300 kilos de légumes. Notre projection, c’est 1,7 tonne par an, de quoi couvrir quasiment 100 % des besoins en fruits et légumes “classiques” des enfants », explique-t-il. (...)
Chaque semaine, une calèche municipale amène les denrées du maraîchage aux crèches. « Les enfants aiment beaucoup assister à la livraison », poursuit le responsable des espaces verts. C’est une façon, comme la mise en place d’ateliers pédagogiques sur la parcelle, de les sensibiliser à l’agriculture et à une alimentation saine et locale.
« Avoir le bio le plus local possible »
Ces derniers mois, les propositions d’emplois pour des postes de maraîcher municipal ont fleuri sur les sites spécialisés ou sur ceux des collectivités. (...)
La réussite de la régie agricole de Mouans-Sartoux se mesure aux nombres d’élus venus en Provence s’intéresser au programme : « Plus de 500 collectivités de France et d’Europe depuis 2018 », recense Gilles Pérole.
« Qu’est-ce que je peux faire moi-même ? »
Dans leur réflexion initiale, les élus sont pourtant tombés sur un os : impossible de trouver des producteurs locaux volontaires pour répondre à leur appel d’offres. « Ils ne s’embêtent pas avec un marché public », commente l’élu mouansois. Constat identique à Vannes (Morbihan), qui a lancé sa régie de maraîchage bio en 2019. « Pour quatre crèches, on ne demandait pas des quantités énormes, mais il y avait des exigences de traçabilité, de l’administratif et le besoin d’une programmation des légumes fournie à l’avance… Bref, c’était compliqué pour les producteurs du coin », pointe Gérard Thépaut, l’élu à la biodiversité, au climat et aux finances. « La restauration collective publique n’est pas un débouché intéressant pour les maraîchers privés, résume Christine Aubry, ingénieure de recherche à l’Inrae (lnstitut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et spécialiste de l’agriculture urbaine. Les collectivités sont donc toutes confrontées à ce questionnement : qu’est-ce que je peux faire moi-même ? » La contractualisation d’un maraîcher est l’une des solutions. (...)
À Vannes, où 4,7 tonnes de fruits et légumes ont été récoltés en 2021 sur un terrain de 7 000 m2, il n’y a aucun regret : « C’est un cercle vertueux à plusieurs niveaux. Socialement, car il y a une communication très forte entre le maraîcher et les cuisinières et cuisiniers, qui sont très contents de travailler sur des produits parfois oubliés comme la poire de terre. Écologiquement, car les produits viennent d’une parcelle située juste à côté de Vannes. Les épluchures et déchets des cantines y retournent pour faire du compost », décrit Gérard Thépaut, dont l’ambition serait d’agrandir la production.
Une régie de maraîchage n’est « pas la solution miracle partout »
Pour un début de projet ou une extension, la même interrogation s’impose aux mairies : où s’installer ? « Il faut se poser la question du rapport entre les besoins et le foncier disponible, confirme Christine Aubry. Certaines communes ont des domaines fonciers importants mais ils ne sont pas utilisés pour l’agriculture. » D’autres n’ont que peu de terrains disponibles. « Maintenant que notre objectif est atteint, on se concentre sur la reconquête de terres agricoles », prévient Gilles Pérole, l’élu de Mouans-Sartoux, où le nombre d’hectares classés agricoles est passé de 40 à 112 au plan local d’urbanisme (PLU). (...)
Malgré ces difficultés, l’ingénieure de l’Inrae constate « un engouement colossal pour ces formes d’agriculture ». La prise de conscience, qui remonte au début du siècle, s’est amplifiée, selon elle, avec la conjonction de plusieurs inquiétudes : celle du climat, de la précarité alimentaire, de la crise économique, de l’envie de changer de filière devant le caractère discutable de certaines pratiques alimentaires, de la crise sanitaire… (...)