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Bioéthique : qu’est-ce qui se cache derrière les cellules iPS ?
Article mis en ligne le 13 février 2020
dernière modification le 12 février 2020

L’expression « cellules souches pluripotentes induites » (ou cellules iPS) désigne des cellules reprogrammées pour pouvoir se différencier en tout type de cellules. Les perspectives d’une médecine régénérative liées à ces modifications sont mises en avant. Mais cette innovation comporte aussi des risques sanitaires et éthiques.

Au début de la vie, les cellules qui constituent l’embryon sont totipotentes, c’est-à-dire qu’elles peuvent, potentiellement, donner tout type de cellules (neurone, muscle…). On les appelle cellules souches et on dit aussi qu’elles sont pluripotentes car elles peuvent se différencier pour constituer une pluralité de types de cellules.
Qu’est-ce qu’une cellule iPS ?

Est-ce que des cellules différenciées d’un organe quelconque pourraient « revenir en arrière » (se dédifférencier) et redonner des cellules pluripotentes comme les cellules souches ? Quelles en seraient les applications hormis celle, évidente, de régénérer un organe perdu ?
Développées à partir de 2006, les cellules souches pluripotentes induites (iPS pour induced Pluripotent Stem cells) étaient de simples cellules somatiques, donc différenciées (cellules de la peau, d’un nerf, d’un muscle, etc.) génétiquement modifiées par l’insertion de séquences génétiques afin de les rendre pluripotentes. C’est ce qu’on appelle la « dé-différenciation » ou la « déprogrammation » initiée par le Professeur Yamanaka [1]. De telles cellules ont alors la capacité, selon les conditions de culture in vitro utilisées, de se transformer en d’autres sortes de cellules spécialisées. C’est ce qu’on appelle la spécialisation ou reprogrammation.
Cellule iPS : une mise au point compliquée

Comme avec toutes les techniques in vitro de modification génétique, les chercheurs ont rapidement observé des effets hors-cible. Ils ont aussi vu apparaître diverses mutations et épimutations liées aux « techniques connexes » lors de ces modifications génétiques car plusieurs des gènes insérés au début (comme le gène c-Myc) étaient oncogènes (ils augmentaient le risque de cancer). De nombreux travaux ont donc été initiés pour que la dé-différenciation de cellules somatiques en cellules pluripotentes puisse se faire autrement et réduise ces effets non intentionnels. (...)

Pour résumer, les premières méthodes modifient le génome chromosomique, les deuxièmes modifient l’ARN ou l’ADN non chromosomique alors que les troisièmes modifient les protéines présentes pour simuler la réactivation des gènes qui assurent la pluripotence. Dans tous les cas, le « patrimoine génétique » tel qu’il est transmis aux cellules filles est modifié puisque les fonctions de la cellule le sont, que ce soit l’ADN, l’ARN ou les protéines qui sont modifiées. On peut donc bien dire dans tous les cas que de telles cellules iPS ont un « matériel génétique [qui] a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle » (directive 2001/18). Elles sont bien génétiquement modifiées, même si elles ne donnent pas un OGM puisqu’elles ne forment pas un organisme. Des industriels (comme Thermo Fisher) commercialisant des kits de modification cellulaire soutiennent que leurs cellules iPS ne font pas appel à des transgènes, ce qui ne dit pas pas qu’elles ne sont pas GM !

Rappelons de plus que même pour les kits commerciaux de certaines méthodes, on oublie de préciser qu’aucun matériel d’origine biologique (ADN, ARN ou protéine purifiée) n’est exempt d’ADN contaminant [6]. Donc dire qu’on injecte telle ou telle protéine « sans ajout d’ADN extérieur » est faux car il faut l’entendre comme « sans ajout INTENTIONNEL d’ADN étranger ».
De plus, le gène c-Myc utilisé pour induire la pluripotence est connu pour son oncogénicité, mais il continue de faire partie de kits de modifications de cellules en iPS vendu par plusieurs commerçants, dont la société Thermo Fisher [7]. Ce gène c-Myc sert à augmenter la prolifération (dont le caractère illimité et incontrôlé s’appelle un cancer et c’est ce qui explique qu’il soit oncogène).

On doit aussi noter que l’efficacité des méthodes non intégratives est au mieux de 0,01 %, ce qui montre que l’interprétation mécaniste par ses promoteurs est trompeuse. (...)

Quels enjeux éthiques ?

Plusieurs dérives liées à l’utilisation de cette technique peuvent être identifiées. La plus importante est que la transformation de cellules iPS en gamète facilite l’accès à des ovules par milliers quand on n’en a que quelques-uns actuellement par stimulation ovarienne. Cela facilitera la réalisation de fécondations in vitro massives pour une femme et donc de diagnostics préimplantatoires (DPI) sur un grand nombre d’embryons. Déjà, l’agence de biomédecine dit sur son site que 246 « indications de maladies génétiques » sont dépistées lors d’un DPI [10]. Jacques Testart dénonce ici un risque d’eugénisme très fort si un encadrement suffisant n’est pas mis en place.

Par ailleurs, et de façon plus extrême, si on croit les promesses des promoteurs de cette technique, les chercheurs pourraient donc prélever des cellules sur une femme (par exemple), les modifier pour avoir des cellules iPS puis les différencier en spermatozoïde. Grâce à ses ovules naturels, cette femme aurait alors la possibilité de se reproduire avec elle-même ! Pour le cas d’un homme, il faudrait une mère porteuse en plus. Cas extrême qui poserait de nombreux problèmes et risques scientifiques et éthiques mais pourtant accessible matériellement et qui créera une demande et donc une offre scientifique. C’est classique dans une économie de la promesse qui s’accommode très bien d’une société du spectacle. La Science y est-elle neutre ?

Quel est le mode de validation ?

Passage des expérimentations sur embryons de 7 jours à 14 jours, voire 21 jours

L’étude d’impact de la loi Bioéthique dit que « les techniques de culture d’embryons in vitro ne permettaient pas [jusqu’à maintenant] de dépasser la limite de sept jours de développement. Mais la situation a évolué en 2016 puisque deux équipes de recherche [ont développé des techniques] permettant de cultiver des embryons in vitro jusqu’à treize jours » [13]. Dit autrement, la limite « éthique » des sept jours maximum d’expérimentation peut changer dès que matériellement la science est capable de dépasser ce délai.
M. Touraine (rapporteur de la loi) confirme que « l’allongement de 7 à 14 jours de la durée maximale de culture est motivé par la possibilité ainsi offerte de comprendre le développement des modèles cellulaires issus de la deuxième semaine de développement » puisqu’elle est techniquement accessible. Ne dit-il pas déjà que « l’interdit portant sur la création d’embryons transgéniques devrait pouvoir être levé compte tenu de l’évolution des techniques » ?

Lors de l’examen en commission spéciale au Sénat, la commission a proposé la possibilité, à titre dérogatoire, de poursuivre jusqu’à 21 jours le développement in vitro d’embryons (article 14) « dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l’étude des mécanismes de développement embryonnaire au stade de la gastrulation ». Le Sénat a validé cette modification.

La loi de bioéthique va donc légaliser de faire des cellules humaines génétiquement modifiées (iPS) pour permettre la production de gamètes en grand nombre. De tels gamètes rendront possible un Diagnostic Pré-Implantatoire (DPI) sur la base de critères portant sur des « maladies génétiques » comme l’albinisme … qui n’est pas une maladie génétique. Plusieurs personnes dénoncent la pente eugéniste de ce projet de loi de "bioéthique". Inf’OGM vous en informera.